Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

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bob d artois
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par bob d artois »

XII : Le terrier du Renard.


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Allongés sous la pierre, le cœur battant, les deux complices attendirent de savoir si on les avait suivis. Un quart d’heure plus tard Julien sortit de la cache :

- Venez, nous pouvons continuer à monter.
- Mais s’ils nous ont suivis ?
- Ils seraient déjà là, dépêchez-vous !

Julien s’avança sur le promontoire afin d’observer les mouvements adverses ; quelques minutes plus tard, s’étant fait une idée, il rejoignit la jeune femme.

- Ils ont laissé quelqu’un en bas et deux hommes se dirigent vers l’entrée du chemin militaire qui mène ici.
- Très bien, il ne nous reste donc qu’une échappatoire, poursuivre le chemin où nous sommes en direction de l’amont.
- Peut-être pas… Ils avancent lentement et à pied ce qui signifie qu’ils attendent certainement que des complices utilisent la voiture pour rejoindre cette extrémité du chemin et venir nous prendre en étau.
- Vous avez une autre solution ?
- Il n’y en a qu’une, pénétrer sur le site militaire ; mon couteau est équipé d’une pince coupante, je vais ouvrir le bas du grillage, nous nous y glisserons.

Julien camoufla le passage avec quelques branches, et tous deux se tapirent dans les bois. Retenant leur souffle, ils virent deux silhouettes les dépasser en se protégeant à tour de rôle. Julien chuchota :

- Vous en aviez compté combien ?
- cinq.
- Si l’on retire celui d’en bas, il en reste deux pour venir dans l’autre sens
- Vous oubliez de déduire votre victime. Et maintenant ?
- On va se faufiler à l’intérieur puis faire un trou dans le grillage côté ouest.
- Et les militaires ? Ils ont dû entendre les coups de feu.
- C’est un risque à courir. Ils ont pour consigne de nous livrer à la gendarmerie, cela vaut mieux que d’être tué. Je me suis débarrassé de mon arme, ils n’auront pas grand-chose contre nous.

Se battant avec les feuillages, ils progressaient en essayant de rester en vue du grillage. Des aboiements se firent entendre au loin.

- Qu’est-ce que c’est ?
- L’armée utilise des chiens pour protéger ses bases.
- Ah oui ! Et ces chiens sont au courant qu’ils sont censés nous remettre à la gendarmerie ?
- Ils sont très bien entraînés. Couchez-vous, je vais ouvrir le grillage ici, nous allons pouvoir filer à l’anglaise.

Il remarqua la surprise dans l’œil de Genoffa.

- C’est une expression, ça veut dire…
- Je sais, nous avons la même : « andarsene alla francese ». La voiture est loin ?
- Trop, et du mauvais côté. Nous allons prendre au plus court jusqu’à la Seine, j’ai demandé à Picard de nous y attendre avec la péniche.
- La péniche ! Mais comment a-t-il fait pour arriver si vite ?
- Chut !

Un quart d’heure plus tard, protégés par la Seine ils naviguaient en direction de Paris. Dans la cabine, la méfiance nouvelle de Genoffa envers Julien avait été moins puissante que son besoin de se blottir entre des bras connus. Après un temps qui lui parut trop court, Julien se dégagea doucement.

- Je vous sers un café, un thé ?
- Vous êtes un espion ?
- Pardon ?
- Les hommes qui ont été tués là-haut… leur chef m’a dit que vous apparteniez aux services secrets Français...

Julien accusa le coup, se retourna vers la cafetière et remplit deux mugs.

- Et lui, qui était-il ?
- Il prétendait appartenir à la CIA.
- C’est bien possible. Vous savez, ma société m’oblige à voyager dans toutes sortes de pays, j’ai eu l’occasion de rencontrer ces individus. Ils ont des méthodes particulières.
- La torture ?
- Non, la méthode des sectes. Ils vous font douter de tout, jusqu’à ce que vous perdiez confiance même en ceux qui sont le plus proches de vous. Et quand vous ne croyez plus en rien, vous êtes prêt à vous confier à n’importe qui.
- Vous n’avez pas répondu à ma question.
- Si.
- Comment ça « oui » ?
- Je n’ai pas dit « oui », j’ai dit « si ».

Genoffa prit la tasse qu’il lui tendait, elle était captivée par ses mains, fortes mais avec de longs doigts bien soignés et très mobiles. Elle avait remarqué cela avant tout autre aspect de son physique.
Comme elle le faisait dans ses recherches historiques, entre deux scénarios équiprobables, elle choisit celui qui lui plaisait le plus.
La voix de Picard se fit entendre dans l’interphone qui reliait la cabine à la timonerie.

- Julien ! Je viens d’avoir ma femme au téléphone.
- Où est-elle ?
- Pendant que vous embarquiez, elle a pris le scooter pour voir comment les choses évoluaient.
- Tu lui fais prendre trop de risques...
- Elle sait être discrète. Elle a vu un gars blessé attendre dans une voiture puis trois autres sont descendus le rejoindre ; la voiture est alors partie en direction de l’aval.
- Peut-être pour récupérer le dernier complice…
Se sont-ils lancés à notre poursuite ?
- Aucune chance, la police a réussi à dégager le pont et les a aperçus. C’est eux qui sont poursuivis en ce moment, si tu montais tu entendrais les sirènes.

Julien resta silencieux un moment. Genoffa l’observait par-dessus le mug qui lui réchauffait les mains. Il lui parut soucieux, comme sur le point de prendre une décision importante.

- Au moins vous n’êtes pas un assassin.

Julien appuya sur l’interphone.

- Alex, il faut que tu abordes près de ma voiture, je retourne sur les lieux.
- Vous êtes fou ! cria Genoffa.
- Les premiers visiteurs sont morts, les seconds en fuite et les forces de police à leurs trousses. Dans quelques heures l’endroit grouillera de monde mais en ce moment il est désert.
- Et les militaires ?
- Leur mission est de protéger leur site... S’ils ont entendu les coups de feu, ils auront mobilisé leurs forces pour cela. Concernant ce qui se passe à l’extérieur, ils vont se reposer sur la gendarmerie.
- Qui doit être occupée à aider la police... Ça se tient... Je vous accompagne !
- Il n’en est pas question !
- Si !

Le détour par la voiture fut inutile, le couple utilisa l’annexe afin de rejoindre la berge où madame Picard attendait pour l’échanger contre le scooter. Dix minutes plus tard, ils étaient au-dessus de la cavité. Constatant que les amphores étaient bien vides Julien dut se résigner à descendre dans la cavité ;il se tourna vers Genoffa.

- Ça ne va pas être beau à voir, vous voulez rester en haut ?
- C’est profond et je ne suis pas assez forte pour vous tirer, donc il faudra que vous montiez sur mes épaules.
- Ok.

Le couple fouilla l’endroit en essayant de ne pas toucher les corps. Genoffa s’arrêta brusquement braquant sa lampe sur l’un d’eux.

-Regardez ! C’était leur chef.

Julien balaya le corps avec le faisceau de sa torche puis s’arrêta sur une masse noire posée à côté.

- C’est mon sac ! Ils ont du le garder après le bunker.
- Il y a quelque-chose posé dessus.

Genoffa s’accroupit pour s’en saisir et se releva pour s’approcher de Julien.

- C’est un message, vous croyez qu’il est pour nous ?

Julien se plaça dans son dos, orientant la lumière pour l’aider à lire.

- C’est mal écrit, on dirait l’œuvre d’un enfant.
- Ou de quelqu’un plus habitué aux caractères cyrilliques. Lisez.
- J… j’aurai v..os peaux et leurs i… id… ?

Julien pris le message

- Idiomes ! Alors c’est pour vous, dit-il en lui rendant le papier.

Genoffa perplexe empocha l’étrange message pendant que Julien reprenait la fouille de la gallerie. Il y avait beaucoup de déchets, de toutes époques, mais la seule trace romaine était une autre amphore brisée. A côté d’elle, Genoffa trouva un cylindre de métal équipé d’une lanière.

- Qu’est-ce que c’est que cette boîte ?
- Belle découverte, on dirait un étui de masque à gaz allemand de la dernière guerre. Qu’y a t-il à l’intérieur ?
- Un masque à gaz ?
- Si vous aviez à trimbaler partout un truc aussi encombrant vous le limiteriez à cet usage ?
- C’est vrai que ça ferait un sac à main très tendance mais celui-là ne contient qu’un masque. Je m’attendais à trouver ici des sandales romaines mais pas un équipement de la Wehrmacht
- Ce n’est pas si étonnant, cette colinne contient une vaste caverne qui a servi de PC de secours au Maréchal Rommel pendant le débarquement. Ils ont dû trouver la cavité, peut-être quand ils ont miné le périmètre.
- Dans ce cas les Nazis n’ont pas dû en comprendre la portée, sinon ils l’auraient utilisé.
- A moins que Rommel ait gardé l'information pour lui, à l’époque il savait la guerre perdue et avait des liens avec la conjuration qui a tenté de tuer Hitler le 20 juillet 44.
- Mais où aurait-il mis le document ?
- Logiquement près de lui, dans son PC.
- Ici ?
- Non, nous sommes ici au PC de secours, son PC nominal était plus confortablement installé, dans un château de la région.
- De toute façon, si le document était important, il l’aura emporté avec lui quand les Alliés ont envahi la France.
- Je ne pense pas qu’il en ait eu le temps.
- Ils ont fuit si vite ?
- Non, mais le 17 juillet la voiture de Rommel a été attaquée par des jabbos…
- Des ?
- Des chasseurs bombardiers. Gravement blessé, il a été immédiatement hospitalisé puis a effectué une période de convalescence chez lui, en Allemagne.
- Il pensait donc revenir ici.
- Oui, mais pendant cette convalescence son lien avec la conspiration a été éventé et il s’est suicidé pour éviter un procès.
- Donc s’il avait gardé le secret pour lui, il est encore dans le château... Vous savez où se trouve ce dernier ?
- Oui, je vous y emmène...

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Ils abandonnèrent le scooter sur la berge et l’échangèrent contre la voiture. Ils repassèrent devant le site qui était déjà investi par la police. Quand ils furent hors de vue, Genoffa vida le contenu de l’étui qu’elle avait conservé.

- Que faites-vous ?
- Je vous l’ai dit, bien briqué ça peut faire un joli sac… Oh ! Il y a des photos contre la paroi.
- Montrez-moi !
- Regardez la route !
- Tenez le volant, dit Julien en s’emparant des clichés.
Celle-ci est une photo de Rommel, là, à gauche. Je ne suis pas sûr mais je crois que les autres sont le General Von Funck et le Colonel Von Tempelhoffet. Impossible d’identifier celui qui est de dos et celui qui est à droite n’est pas assez gradé pour que je le connaisse.

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Il prit la seconde photo.

- Ah ! Là c’est plus facile, il y a du gratin : A droite c’est Gerd Von Runstedt juste à coté de Rommel qui nous regarde, celui qui a des lunettes est Hans Speidel l’autre ne montre que son profil mais ce pourrait être Gunther Blumentripp au vu des autres participants.

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Il montrait les personnages du doigt mais la jeune femme, concentrée sur la conduite garda les yeux fixés sur la route.

- Vous auriez dû mettre vos lunettes.
- Je n’ai pas besoin de lunettes ! J’en porte uniquement pour reposer mes yeux quand je lis beaucoup.
- Merci.
- Merci de quoi !?
- De prendre soin de vos yeux, ils me sont devenus aussi indispensables qu’à vous.

Elle apprécia le compliment à sa juste valeur.. Craignant que ce soit visible elle rétorqua crânement :

- Mais oui, je vois le cliché, femme à lunette…
- Froid au ventre…

Cette réplique avait échappé à Julien par un réflexe puéril ; il trouva sage de reprendre le volant avant qu’elle n’en saisisse le sens. Un quart d’heure plus tard il se garait non loin du château.

Dernière modification par bob d artois le jeu. 27 oct. 2011 09:15, modifié 3 fois.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?

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Message par bob d artois »

bon, j'étais un peu à la bourre sur ce coup là

bonne nuit à tous ;)

Bob
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claudius88
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par claudius88 »

"spe_pasfrevin" Le château de Rommel, je le connais bien car mon fils habite à côté ! :rolleyes:
c'est un château fabuleux à visiter.

(mais je ne vous dirai pas où ...)

j'ai déposé une ciste en face ! :one:
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Message par bob d artois »

apéro ?

:D
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cst73
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par cst73 »

claudius88 a écrit : c'est un château fabuleux à visiter.
si c'est celui auquel je pense
je me trompe ou il va encore y avoir du sous-terrain dans l'air... ? :whistle:
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bob d artois
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Message par bob d artois »

:D
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Message par bob d artois »

XIII Le Château

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La visite du château dura près de deux heures. Ils suivirent le guide dans un labyrinthe où se succédèrent plusieurs corps de bâtiments et des souterrains de toutes époques. Julien donna une pièce à l’accompagnateur quand le couple quitta l’enceinte.

- Le circuit de visite paraît conçu pour nous désorienter, je serais incapable de restituer notre cheminement, dit Genoffa.
- Oui, et je n’ai rien remarqué qui puisse nous aider. Pourtant j’attendais beaucoup de la visite de la bibliothèque.
- Moi aussi, puisque c’était la pièce préférée du maréchal. Quelle déception de n’y voir que des livres factices ! Rien non plus aux endroits indiqués par les photos de notre SS.
- Quel SS ? Il était de la Wehrmacht.
- Il est marqué SS sur l’étui de son masque...

Julien, surpris, vérifia.

- Mais ça change tout ! Rommel n’aurait jamais confié son secret à un SS, donc les photos n’indiquent peut-être pas la cache mais un moyen d’entrer dans le château à l’insu de la garnison !
- J’ai soulevé les tentures et contrôlé la cheminée, au cas où vous imagineriez un passage secret. De toute façon ils nous ont montré toutes les galeries.
- Vous croyez ? Et ça ?

Julien lui montra, à travers le portail, une sorte de fenêtre voutée et murée qui trônait au centre de la falaise.

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- En effet, ça ne correspond à rien de ce que nous avons vu. Il faudrait vérifier sur les plans.
- Quels plans ?
- Il y en avait parmi les documents que j’ai trouvé dans le bunker, je n’ai fait le rapprochement qu’en visitant le château.
- Mais vous aviez rangé ces documents dans…
- Dans votre sac, ils doivent y être encore sinon les américains ne l’auraient pas gardé.

http://fr.wikisource.org/wiki/Dictionna ... _5,_Donjon

C’était en effet le cas, Julien les consulta longuement, mais ne trouva aucune mention de la fenêtre. Genoffa était déçue.

- Il ne nous reste qu’à fouiller le château après la fermeture.
- Pas simple, j’ai compté une dizaine de portes à forcer avant d’atteindre cette hauteur. A moins que les photos donnent un indice.
- Malheureusement je ne pense pas qu’elles nous apportent ce type d’aide, si elles contenaient un sens caché, ce serait plutôt celui de designer des traîtres à la cause nazie.
- Ah oui ? Et comment ?
- Regardez les tapisseries qui sont derrière eux, elles content l’histoire d’Esther.
- Esther ?
- Un personnage de la bible qui fut épousée par le roi de Perse et usa de son influence pour sauver le peuple juif. Cette histoire a été illustrée par sept tapisseries dont quatre sont dans ce château.

Julien contempla à nouveau les tirages.

- On n'en voit que trois sur les photos.

Genoffa sortit son i-phone pour consulter le site internet du château. Il donnait une description précise des quatre tapisseries. Elle cita dans l’ordre le nom des quatre œuvres exposées. Julien ne sut pas les reconnaître mais une idée lui vint en tête.

- Quel est le nom de la seule qui ne soit pas visible ?

Elle lui montra son appareil portable. Il lut et sourit.

- Je sais par où nous pouvons entrer ! Regardez le plan du donjon et son descriptif, un seul endroit correspond au nom de cette tapisserie. Je propose de le vérifier à la nuit tombée.

http://fr.wikisource.org/wiki/Dictionna ... _5,_Donjon

A 22h00, la voiture se gara sur le plateau, mais ce n’est que vers minuit qu’ils comprirent qu’une pierre pouvait se soulever pour leur ouvrir un accès. Julien passa le premier et aida la jeune fille. Elle prit la précaution de replacer la pierre.

- Où sommes-nous ? Ce n’est pas une cache ?
- Non, nous sommes dans la première enceinte du donjon. L’hypothèse du soldat cherchant à entrer discrètement dans le château se confirme. Le donjon a été conçu pour n’être accessible que depuis le château en contrebas, donc seul ce dernier devait être gardé. C’est amusant car un des châteaux les plus puissants de la région a été jadis investi de la même façon. Essayons de trouver le moyen de rejoindre l’ouverture murée que nous avons vue sur la falaise.

L’exploration fut rude du fait des marches d’escaliers, mais elle ne dura pas longtemps car les possibilités étaient limitées. Après quatre allers-retours ils constatèrent qu’aucune galerie à bonne hauteur ne leur avait été cachée. Le seul conduit qui se dirigeait dans la bonne direction aboutissait au réservoir d’eau douce qui avait été creusé dans la falaise pour alimenter le château. Ils l’empruntèrent pour la troisième fois et s’assirent au bord de l’eau pour faire le point. Genoffa enleva ses chaussures pour tremper ses pieds endoloris.

- Peut-être que tout notre raisonnement est faux.
- Ou peut-être qu’il n’y a plus rien à trouver dans ce château. Nous devrions rentrer.
- Non ! Je suis persuadée que cet endroit cache la preuve que je cherche, dit Genoffa en se levant d’un bond.

Les pieds mouillés de la jeune fille glissèrent sur la roche lisse et elle perdit l'équilibre. Julien la rattrapa juste avant qu’elle ne tombe dans le bassin. Elle poussa un cri et lâcha sa torche, qui plongea au fond de la réserve. D’un mouvement empreint de force et de douceur Julien l’aida à se redresser. Elle resta dans ses bras le temps de lui adresser un joli sourire.

- Merci d’avoir été là. Je suis désolée pour votre lampe.
- Ce n’est pas grave, mais regardez…

Julien avait remplacé les lampes perdues dans le bunker par deux torches puissante et étanche. Celle de Genoffa éclairait le fond calcaire du bassin qui renvoyait la lumière au travers d’une eau parfaitement limpide. Des couleurs aux dégradés d’ocre et d’émeraude enchantèrent la voûte de milles reflets. Genoffa sentit le besoin de tenir la main de son compagnon pour profiter de la féerie de l’endroit.

- On peut dire que vous savez trouver des endroits romantiques.
- Oui, c’est vraiment dommage que nous n’ayons plus de temps.

Prononçant ces mots, il avait commencé à déboutonner sa chemise. Genoffa se recula brusquement.

- Hé ! J’ai juste dit « romantique », ne vous emballez pas !
- Ne vous inquiétez pas, je veux juste récupérer ma lampe, elle n’est pas donnée et pourrait révéler notre passage. Vous pouvez tourner la tête si ça vous gêne.

C’est ce que fit la jeune femme mais son œil vif réussit tout de même à se faire une idée générale. La musculature était généreuse sans être saillante, et la silhouette svelte même si l’on pouvait reprocher un début de bourrelet au dessus du boxer noir. Genoffa était globalement séduite à l’exception d’un détail : comme beaucoup d’hommes il ne savait pas se déshabiller dans le bon ordre. Il aurait dû retirer ses chaussettes avant son pantalon.

Julien attrapa rapidement sa torche mais le mouvement circulaire du faisceau lui découvrit quelque chose d’étrange au fond du bassin. Il expira un peu d’air pour s’alourdir et nagea au plus près du fond jusqu’à atteindre le dessous d’un léger surplomb. Il y trouva ce qu’il avait imaginé, un trou menait à la verticale vers une sorte de siphon.
Julien fit demi-tour pour prévenir Genoffa et reprendre un peu d’air, quand il fut frôlé par une belle nymphe. La silhouette se stabilisa sous le trou, lui sourit et se propulsa vers le haut d’un gracieux mouvement de jambes. Julien oublia un temps son déficit d’oxygène... La vision avait été splendide même s’il regrettait que Genoffa ait gardé ses vêtements. Il la rejoignit dans le siphon.
A partir de la surface de l’eau, quelques marches creusées dans la pierre montaient jusqu’au dessus du niveau de la voûte du réservoir. Une galerie leur permit de se redresser et les conduisit à un escalier tortueux qui descendait jusqu’à un couloir. Un peu plus loin un espace encombré de caisses de bois se terminait par une paroi rocheuse. Julien braqua sa torche.

- Regardez ! Au centre, je suis certain que c’est notre fenêtre.
- Moi aussi mais il nous faudra des heures pour fouiller ces caisses, et beaucoup sont verrouillées.
- Oui, avec des cadenas rouillés en plus. Regardons d’abord les inscriptions ; commencez par le fond, je regarde ici.
- Je ne connais pas l’allemand vous savez ? Cependant De mon côté tout est dans cette langue, il est souvent écrit la même chose d’ailleurs.
- Ici aussi, je crois que ça veut dire munitions ou explosif. C’est sinistre de voir toutes ces croix gammées.
Julien fut surpris d’entendre un petit rire faire écho à sa remarque.
- Celui qui a marqué cette caisse devait être du même avis que vous, il a ajouté un petit palmier au dessus de la croix.
- Comment ?
- Regardez ici ! Il a voulu donner un petit coté « Seychelles » à son œuvre.
- Non, ceci est l’insigne de l’Africa Korps, l’unité qui fit la gloire de Rommel. S’il avait dû choisir des soldats de confiance, il les aurait pris parmi eux. Aidez-moi à dégager cette caisse.

Les cadenas étaient soudés par la rouille mais le bois qui tenait les charnières ne résista pas longtemps. Lorsque Julien sortit l’un des quatre sacs de cuir qu’elle contenait, Genoffa, impatiente, s’approcha puis, s’arrêtant subitement, elle éteignit sa lampe avant de reculer lentement.
Son visage avait pris des traits effrayés. Julien la regarda tendrement, reposa le sac et coupa également sa torche.
Lorsque l’obscurité emplit la pièce il demanda doucement ;

- Depuis quand vous intéressez-vous à cet histoire ?
- Je… je ne sais plus. Depuis l’âge de quatorze ans je crois. Mais cela s’est intensifié les cinq dernières années. Depuis trois ans, j’y ai tout sacrifié, temps, argent, loisirs…
- …Amour ?

Le silence reprit un temps ses droits puis.

- Je vais me retourner, fouillez vous-même le sac et décrivez moi son contenu.

Julien ne trouva rien à ajouter. Il alluma sa lampe et ouvrit la housse de cuir. Genoffa eut envie de faire une prière, puis, considérant que Dieu n’avait pas à être dérangé par sa vanité, se contenta de croiser les doigts.

- Alors ?...Dites-moi ! Qu’y a-t-il dans cette caisse ?

Le mouvement du faisceau de lumière lui indiqua que Julien se relevait doucement, quand il fut stabilisé, elle l’entendit prononcer.

- Vos peaux et leurs idiomes…

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Dernière modification par bob d artois le dim. 20 nov. 2011 00:03, modifié 2 fois.
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par cst73 »

j'en étais sûre pour le souterrain :P ...mais le coup du siphon... :blink: :'OO': :one:

et Alésia...où est donc passé Alésia...?

toujours aussi passionnant... :flowers:
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bob d artois
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Message par bob d artois »

XIV : L’expert.

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Pour la quatrième fois, julien émergea à la surface du bassin. Une demi heure plus tôt, craignant que Genoffa prenne froid, il l’avait convaincue de rentrer seule avec la voiture pour rejoindre la péniche qui, comme par miracle, se trouvait à quai non loin de là.
Elle devait demander à Franck de se rendre au pied de la tour Nord. Du haut de celle-ci, il pourrait lui descendre les sacs tout en surveillant les approches du donjon.
En attendant son arrivée il s’était chargé de la partie la plus délicate : Transporter les sacs de cuir au travers du réservoir sans en altérer le contenu. Heureusement les caisses de munitions contenaient des toiles imperméabilisées dont il fit bon usage.
Julien nagea jusqu’au bord du bassin pour poser le dernier sac, puis fit un tour d’horizon avant de sortir de l’eau. Il se laissa couler immédiatement après ; une lueur était apparue dans le couloir d’accès.

Genoffa ?
Non, elle détenait une de ses lampes à LED produisant une lumière beaucoup plus blanche.
Franck ?
Impossible, sa corpulence ne lui permettait pas l’accès secret au donjon. Julien repris de l’air dans un angle mort du réservoir. La lumière dansante indiquait bien une torche électrique et des bruits de pas commencèrent à se faire entendre, bientôt suivis par l’apparition des chaussures qui les avaient créés.

Avec une rapidité foudroyante Julien agrippa les deux chevilles faisant choir l’homme dans le réservoir. Tandis que son propre corps retombait dans l’eau, il transforma cette chute en plongeon dirigé sur son adversaire. Il surgit dans le dos de l’homme alors que celui-ci cherchait encore à situer la surface et le ceintura de manière à lui empêcher tout mouvement des membres supérieurs. Dans cette position, il gagna lentement la surface pour respirer tout en maintenant l’homme sous l’eau. Julien avait l’intention de lui faire perdre connaissance avant qu’il ait put apercevoir son visage. Il savait que, plus l’homme se débattrait, plus vite le manque d’oxygène se ferait sentir. A sa surprise le corps qu’il serrait eu la réaction inverse et se détendit complètement. L’homme semblait s’abandonner et Julien aperçut des bulles indiquant qu’il vidait ses poumons.

Julien compris trop tard, le corps plus imposant que le sien et maintenant vide d’air entraina les deux hommes vers le fond, les muscles de l’intrus se tendirent alors et il bloqua avec ses jambes les mouvements de celles de Julien, empêchant toute propulsion vers le haut et rétablissant une certaine égalité dans la lutte. Les deux hommes cherchèrent à se dégager et refirent surface chacun vers un bord de bassin.

- Julien !? Qu’est-ce qui te prend !
- Franck ?
- Oui Franck. Quand je pense que je t’avais apporté une serviette pour te sécher, c’est malin.
- Je t’avais dit de m’attendre au pied de la tour nord !
- C’est ce que j’ai fait mais la grille de la porte de la tour était facile à crocheter donc je suis entré directement.
- Quelle grille ? Cette tour n’était pas creuse, elle avait été construite ainsi pour empêcher tout excavation de sa base, ce n’est pas pour y mettre une porte !
- Que veux-tu que je te dise ? Il y a une porte, c’est tout, tu la verras en sortant. Habille-toi ne restons pas ici.

En sortant du bassin Julien se rappela que leur cheminement discret vers l’accès secret ne leur avait pas permit de voir la tour mais il était certain que les plans du donjon n’indiquait pas de porte à cet endroit, cela aurait sapé toute la logique de son plan de défense. Il put pourtant bientôt constater son existence.
Franck rétablit la grille dans son état d’origine et se tourna vers son ami.

- Bon, tu t’es trompé, il y avait une porte. Ce n’est pas si grave, arrête de la regarder avec ces yeux de cabillaud !
- Tu ne la trouve pas étrange cette porte ?
- Si, elle ressemble plus à l’entrée d’un temple romain qu’à une poterne médiévale. Mais ceci ne fait que confirmer la théorie de Genoffa sur le lien entre ce château et l’affaire d’Alésia.
- Non, selon Genoffa il n’entre dans l’histoire que quand Rommel y a cache le contenu des amphores.
- Peut-être qu’un des propriétaires ultérieurs du château a découvert cette cache et voulu créer ce lien.
- Comportement étrange qui mérite réflexion.
- Tu réfléchiras sur la péniche, je n’ai pas de vêtements secs moi et il commence à faire frais.

Lorsqu’ils embarquèrent, ils trouvèrent Françoise occupée à faire sécher les vêtements de Genoffa.

- Franck ? Que t’est-il arrivé ?
- Rien de grave, je vais prendre une douche, occupe-toi de Julien.
- Vous devez avoir faim, il reste un morceau de tarte aux pommes et j’ai fait réchauffer le pot au feu, ça vous fera du bien. Votre amie a déjà mangé.
- Où est-elle ?
- Elle a pris une douche après son repas, elle doit dormir à présent.

Julien fut déçu qu’elle ne l’ait pas attendu. Ce qu’il avait accompli depuis son départ comprenait pourtant certains risques. Se réconfortant à la chaleur d’un succulent repas servit à deux heures du matin, il ne put s’empêcher d’envier Franck. Françoise savait s’occuper d’un homme. S’agissant de la femme d’un ami, il ne s’était jamais demandé si elle lui plaisait physiquement, ce soir, elle lui parut particulièrement charmante. Franck réapparu en peignoir et s’installa à table.

- Alors ce pot au feu ?
- Excellent. Tu as récupéré ce que je t’avais demandé ?
- Oui, hier. Il y a un ordinateur avec scanner et de quoi monter un petit labo. Ça va peut-être étonner Genoffa ?
- Non, pourquoi ? Nous cherchons des vestiges depuis plusieurs jours, je l’avais prévenue que, si besoin, je pouvais me faire prêter du matériel par le musée.
- C’est bien joué.

Françoise arriva alors pour débarrasser la table, Julien se leva pour l’aider mais celle-ci l’interrompit :

- Je viens de voir votre amie, elle s’est endormie en vous attendant dans le fauteuil du salon, je lui ai mis une couverture mais elle ne peut pas passer la nuit ainsi.
- D’accord, j’y vais.

Julien pénétra silencieusement dans la pièce. Genoffa s’était blottie au fond du fauteuil repliant ses jambes contre elle. La couverture avait glissé au sol. Elle était vêtue d’un peignoir blanc et un de ses pieds chaussait encore une pantoufle. Julien écarta doucement les cheveux encore humides pour se permettre un baiser sur le front bronzé.
Le petit corps bougea et émit un léger gémissement. Julien essaya le nez, alors les yeux noirs s’ouvrirent. Il murmura :

- Bonjour.

La jeune femme se redressa ouvrant de grands yeux au dessus d’un large sourire.

- Vous les avez ?
- Pardon ?
- Les sacs ?
- … Ils sont dans la cuisine.

A partir de cet instant le cerveau de Julien perdit le rythme des événements. En moins d’un quart d’heure, Genoffa avait embauché Franck, monté un petit labo dans le salon, sorti le contenu des sacs pour le ranger délicatement sur une table improvisée. Quand le silence prit à nouveau possession des lieux, elle était déjà en train d’étudier ce qu’ils avaient trouvé.
Le contenu des sacs pouvait se résumer à un très long lien, peut-être une boucle, qui aurait été séparée en morceaux par l’usure du temps. Le long de ce lien étaient attachés à intervalles réguliers, de petits cordons au bout de chacun desquels pendaient deux morceaux de cuirs.

S’approchant de la jeune fille, Julien en saisit un pour l’observer en pleine lumière. C’était un carré de peau fine sur lequel étaient dessiné un symbole, probablement une lettre. Le fond du carré n’était pas uniforme mais comprenait des sortes de veines, semblables à des pliures.

- Vous connaissez ces caractères ?
- C’est du celte, répondit la jeune fille en récupérant brusquement le morceau.

Julien n’apprécia pas cette réponses froide ; si elle souhaitait rester seule, il y avait des moyens plus polis de le lui signifier. Puisque son aide ne semblait pas bienvenue, il décida d’aller dormir.
Six trop courtes heures plus tard, il fut réveillé par le fumet d’un café chaud. Cherchant la lampe de chevet il dit :

- Un petit déjeuner au lit ? C’est gentil Françoise.

Mais c’est le visage de Genoffa que la lumière lui présenta. Elle était habillée et coiffée mais on devinait facilement qu’elle avait travaillé toute la nuit. Elle avait préparé un petit plateau qu’elle posa sur le lit. Alors qu’il se redressait en position assise, elle s’assit en amazone sur l’espace ainsi libéré et entreprit de lui beurrer quelques tartines. Son sourire semblait avoir excusé la gaffe de Julien. Il but une gorgée du liquide fumant tandis qu’elle le regardait en croquant une des biscottes. Il comprit qu’elle attendait une question, ce ne fut pas la bonne.

- Alors où en sont vos recherches ?

Le petit visage s’assombrit.

- Nulle part, le texte obtenu n’a aucune signification.
- Vous pensez qu’il est codé ?
- C’est possible mais improbable. L’idée de crypter des textes est venue plus tard dans l’histoire. Pensez au peu de gens qui savaient lire à l’époque.
- Vous oubliez le code de César.
- Je ne l’oublie pas, mais il était précurseur en la matière et ne l’utilisait que pour cacher ses conversations privées. De plus, je pense que l’auteur de ce texte, si c’en est un, souhaitait qu’il soit connu, pas caché.
- Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?
- Il n’a pas utilisé une tablette de cire mais un support qui résiste au temps. Quand à l’encre des motifs, elle n’a pas été peinte ou dessinée dessus mais incrustée dans la peau, comme l’aurait fait un tatoueur.
- Je vois, l’auteur souhaitait que son texte traverse les siècles donc soit connu
- Oui, c’est logique.
- Mais alors pourquoi avoir fait une seule version du message ? Il aurait dû le répéter plusieurs fois.

Les grand yeux ne Genoffa s’écarquillèrent, elle saisit le visage de Julien et l’embrassa sur la joue droite avant de sauter du lit pour retrouver sa loupe binoculaire dans la pièce contigüe.

- Vous êtes génial. Ils ont fatalement fait plusieurs versions et le texte est illisible parce que les différents exemplaires sont mélangés sur une seule ligne. Je me demandais pourquoi certaines lettres étaient de couleurs différentes.
- Je comprends… Chaque version du texte a sa couleur donc on ne peut comprendre qu’en lisant les lettres d’une même couleur, dit-il en s’habillant
- Exactement, le problème est que les couleurs se sont dégradées en deux mille ans. Il faudrait un spécialiste du tatouage pour les différencier.
- J’ai ça.

Julien tapa un sms et une heure plus tard l’expert en question se présenta dans le laboratoire improvisé.

- Elle ! Vous n’avez rien trouvé d’autre que cette gamine pour nous aider ?
- Dites patron, ce n’est pas parce que cette bourgeoise vous a laissé du rouge sur l’oreille que je vais la laisser me parler comme ça.
- Du calme. Parys a fréquenté pendant deux ans un tatoueur réputé, il lui a tout appris.
- Je vois bien ce qu’il a pu lui apprendre mais certainement pas la politesse. Elle m’a traité de bourgeoise, je suis sûre que c’est une insulte !
- Heu… Littéralement cela signifie « femme de la ville ».
- Ah oui ? Et elle qu’est-elle ? Une campagnarde ?
- Je suis une rebelle.
- Voyez-vous ça ? Et d’où tiens-tu ce titre ? Tu fais tes courses chez Ikea à contresens ?

Julien sentit la situation lui échapper. Il prit Genoffa un peu à part.

- Je vous assure, elle a une réputation d’experte dans certains milieux.
- Experte en jambes en l’air ?
- Non, en tatouages, elle peut nous aider. Vous voulez bien lui expliquer notre problème ?
- Bon, je vais essayer. Elle peut enlever ses écouteurs, ou il faut que je parle en mp3 ?
- Bon, comme l’atmosphère semble s’apaiser un peu, je vous laisse. Je dois retourner traiter quelques problèmes pour ma société.

En fermant la porte, Julien s’attendit à un pugilat, mais le calme fut vite de retour. C’est au moment où il allait embarquer sur l’annexe qu’il entendit des cris féminins. Il courut vers la cabine pour les séparer et fut surpris de les trouver assises et souriantes. Parys se leva d’un bond et lui fit une bise sur l’autre joue.

- On a trouvé, patron !
- C’est surtout Parys qui a trouvé ! En fait il n’y a que trois couleurs, mais elles sont combinées à cinq manières différentes de tatouer. Ce qui nous donne quinze copies possibles.
- Bravo Parys !
- Vous pouvez m’appeler Abby patron ? Parys, je trouve que ça fait bourge.
- Va pour Abby. Vous avez déjà décodé quelque chose ?
- Non patron, il me faut du temps pour séparer les tatouages et beaucoup de lettres sont effacées ou arrachées. Mais Genoffa est très douée pour traduire le celte et reconstituer les mots.
- Hé bien, je suis content que vous vous entendiez, je vous laisse donc travailler.
- Julien ?
- Oui Genoffa ?
- Vous avez du noir sur la joue.

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Message par bob d artois »

claudius88 a écrit :"spe_pasfrevin" Le château de Rommel, je le connais bien car mon fils habite à côté ! :rolleyes:
c'est un château fabuleux à visiter.
L'endroit est payant donc pas de ciste à l'intérieur, mais si vous avez le temps je conseille la visite. Les propriétaires ne disposent pas d'énormes moyens mais c'est un château unique en son genre :one:

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Message par bob d artois »

XV Uxellodunum.


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Dans le laboratoire un silence studieux s’était établi. Genoffa n’arrivait pas à comprendre comment cette gamine superficielle pouvait, dès lors qu’on lui confiait un travail, se muer en un professionnel consciencieux et efficace. Ayant domestiqué ses boucles blondes en deux nattes afin qu’elles ne couvrent pas l’oculaire, elle identifiait sur chaque morceau de cuir la couleur et la méthode de tatouage. Grâce à un caractère de A à F elle étiquetait chaque morceau pour l’assigner à une des quinze copies, gardant le X pour ceux qu’elle n’arrivait pas à reconnaître. Elle glissait alors la partie du « collier » correspondante à Genoffa qui se chargeait de traduire les caractères celtes.
Parys s’aperçut que cette partie du travail n’avançait pas et même « reculait » car Genoffa reprenait des parties de collier qu’elle avait déjà traitées.

- Que se passe-t-il, madame ?
- Je n’y arrive pas. A l’époque il existait plusieurs alphabets semblables. J’en suis à ma troisième fausse piste.
- Je peux vous aider ?
- Je ne crois pas, en fait il faudrait que j’identifie un mot assez long pour essayer tous les alphabets avec.
- Pourquoi ne le faites-vous pas ?
- Parce que je ne sais pas comment ils marquent la séparation entre deux mots. Peut-être ne le marquent-ils pas d’ailleurs.

Parys sourit et approcha sa chaise.

- Avez-vous remarqué que tous les morceaux sont groupés par paires ?
- Oui, chacun des deux supportant la même lettre, certainement en prévision de la perte de l’un d’eux.
- Peut-être mais pas seulement. Vous vous rappelez ces quatre pliures qui marquent chaque fond de cuir comme le feraient des cicatrices ?
- Oui, trois ou quatre traits indiquant toujours des dessins semblables.
- Pas si semblables que cela, sur certains le dessin est inversé. Plus exactement les deux cuirs de chaque paire comportent une cicatrice inverse.

Genoffa se déplaça jusqu’à la loupe pour vérifier. Elle releva la tête.

- Bien observé, c’est intéressant mais en quoi cela résout-il notre problème ?
- Sur certains doublons l’un des cuirs ne comporte pas de lettre, je pensais que le temps les avait effacés.
- Oui, d’où l’utilité de les doubler…
- Je pense plutôt qu’ils indiquaient le début ou la fin d’un mot…

Genoffa se saisit d’un morceau du collier.

- J’ai compris ! Supposons que nous nommions A et B les deux types de cicatrices, si le cuir qui n’a pas de lettre est du type A, c’est un début de mot, s’il est du type B c’est une fin de mot.
- C’est ce que je pense, et si la lettre est sur les deux cuirs, c’est qu’elle est à l’intérieur d’un mot.
- Ou est elle-même un mot.
- Elle-même un mot ?

Il fallut quelques secondes à Parys pour comprendre cette déduction ; elle afficha alors un sourire que Genoffa prit pour une approbation. Toutes deux se partagèrent alors les morceaux du collier jusqu’à identifier un mot de longueur respectable. Genoffa posa la partie correspondante sur ses genoux et chercha les différentes traductions possibles sur son ordinateur. Finalement un mot intelligible apparu à l’écran. Genoffa se tourna vers sa collaboratrice et prononça avec un sourire :

- « Uxellodunum »
- Ça veut dire quelque chose ?
- C’est le nom d’une bataille célèbre.

Genoffa lui raconta l’histoire de ce siège que l’on considère comme le dernier combat de la « Guerre des Gaules ». Parys s’était allongée dans son fauteuil et écouta en sirotant son coca, captivée comme un enfant à qui l’on récite un conte.

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Le soleil se couchait sur la péniche quand Julien monta à bord. Exceptionnellement il n’aida pas le couple de mariniers à appareiller mais descendit directement en cabine. Le travail s’était visiblement arrêté et il y régnait un grand désordre. Parys retira ses écouteurs.

- Ah, c’est vous patron ?
- Où est Genoffa ? Que s’est-il passé ici ?
- Je n’ai rien compris, elle était en train de me raconter une histoire, puis elle s’est interrompue brusquement.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas, l’instant d’après elle est devenu hystérique. Elle a jeté les morceaux de cuirs comme s’il s’agissait de braises brûlantes puis s’est mise à gesticuler comme une folle en criant, j’étais terrorisée.
- Mais grands dieux, pourquoi ?
- Je n’en sais rien, ensuite elle a jeté toutes ses fringues avant de prendre une douche.
- Mais c’est son combi-short que vous portez ?
- Oui, elle m’a demandé de le brûler avec tous ses vêtements. C’est nul ! Ça me va bien non ? Qu’est-ce que vous en penseriez si je me faisais appeler Lara ?
- Où est-elle ?
- Elle est allé s’isoler à l’avant, pour pleurer je crois. Françoise lui a prêté son ciré Cotten en attendant mieux.

Julien abandonna son apprentie pour gagner la proue du bateau. Dans l'imperméable jaune qui laissait apparaître ses longues jambes, Genoffa lui tournait le dos. Il s’approcha doucement et, tendrement lui demanda si tout allait bien.
La jeune femme se retourna brusquement, laissant apparaître un visage dur d’où sortit une question brutale :

- Pourquoi la statue de Vercingétorix n'avait plus de mains ?
- …Je ne sais pas, du vandalisme sans doute.
- Vous savez très bien que non, celui qui a fait ça voulait nous faire penser à la bataille d'Uxellodunum.
- Uxellodunum ?
- C’est la dernière bataille de la guerre des Gaules. Après avoir vaincu, César a fait couper les mains de tous les combattants qui s'étaient rendus.
- En effet, je me rappelle l’avoir lu dans votre livre. Mais il a pu agir de même pour d’autres batailles.
- Impossible, César vendait les vaincus comme esclaves, que feriez-vous d'un esclave sans mains ?
- Alors pourquoi le faire à Uxellodunum ?
- La révolte d'Uxellodunum a été organisée par les anciens fidèles de Vercingétorix. Donc ceux qui savaient qu'Alésia était une fable.
- Justement, c’est ce que je reproche à votre raisonnement, pourquoi aucun écrit gaulois ne dénonce ce mensonge ?
- Parce que les Gaulois ont une tradition orale, donc pas de bibliothèque où conserver leur histoire.
- Le rapport avec les mains ?
- Voici ce que je pense : nous sommes en 51 avant Jesus Christ, César encercle l'oppidum d'Uxellodunum et vient de détourner la seule source d'eau des Gaulois...
- En creusant une galerie souterraine, je sais, encore un bel exploit du génie romain.
- Les proches de Vercingétorix savent qu'ils seront tués et que les autres seront esclaves, ils cherchent une solution pour garder le témoignage de ce qu’ils ont vécu.
- Non ! Vous n'aller pas imaginer qu'ils ont ...
- Si. Ils ont tatoué le message sur les mains des survivants. Chacun avait une lettre et savait qui le précédait et le suivait.

Julien eu un sourire ironique.

- Et apprenant cela, César aurait décidé de trancher pour que le témoignage ne reste pas entre leurs mains ?

Elle leva les yeux au ciel puis haussa les épaules. Pas assez au goût de Julien.

- Il semble qu'en secret quelqu'un, Romain ou Gaulois, récupéra les tatouages pour les classer dans l'ordre sur une sorte d'immense collier. Ce que nous avons eu du mal à comprendre est qu'il y avait quinze copies du message, qui, mélangées dans le collier le rendait incompréhensible.
- César aurait pu tuer les Gaulois…
- Ça n'aurait pas effacé le message. A l'époque, un vivant pouvait posséder un vivant mais les morts appartenaient aux dieux. On les rendait aux familles pour la sépulture.
- Et que dit le message ?
- Nous n'avons que des morceaux, mais il confirme ce que je viens de dire, ainsi que le fait que Vercingétorix ait été vendu. Par contre on n'y retrouve ni le nom d'Alésia ni celui des Mandubiens.
- Ça fait combien de mains ?
- Le texte complet comprend environs trois cents caractères.
- Quatre milles mains tatouées, tranchées puis dépecées pour en faire un collier ! Vous vous rendez compte de l'horreur de ce que vous décrivez ?
- Elle a déjà vomi trois fois patron, n'en rajoutez pas ! dit Parys qui les avait rejoints.
Ce qu'elle dit est vrai, regardez ce que nous prenions pour des pliures. Tête, cœur, vie et chance, on retrouve les quatre lignes qui impriment nos destins dans nos paumes.
Julien déballa l'une des peaux qu’elle lui tendait et la détailla silencieusement.
- Parys, tu peux rentrer chez toi, tu nous as apporté une aide précieuse. J'ajouterai une petite prime sur ton prochain salaire.
- Ce n'est pas la peine patron, c'était fun de mener cette petite enquête... J'aurais juste un truc à vous demander.
- Tout ce que tu veux.

Elle lui chuchota quelque chose à l’oreille.

- Il faut que tu voies ça avec Alex, c’est son bateau. Mais je ne crois pas qu’il te laissera barrer alors que la nuit est tombée.
- Je me charge de le convaincre.

Il attendit qu'elle s’éloigne puis s'assit sur le rebord de la péniche. Genoffa crut que c'était pour mieux voir le haut de ses jambes, elle serra le bas de son ciré.

- Donc si je vous résume, Alésia n'a pas existé, Vercingétorix a été trahi et livré près d'ici. Déçu par la façon dont se concluait sa campagne, César a demandé à ses généraux d’inventer une bataille finale. A court d’idées, ceux-ci ont choisi de s’inspirer du site réel de la reddition et les Gaulois qui pouvaient rétablir la vérité en ont été « empêchés ».
- Oui.
- Et vous pensez que le gouvernement français cache cette vérité en exerçant une surveillance militaire sur tous les sites incriminés ?
- Je pense surtout qu'une entreprise spécialisée dans la restauration d'effigies de chefs d'états serait une bonne couverture pour un agent français. Si ce genre d'agent existait, on aurait pu l'utiliser exceptionnellement pour cacher ce que la statue de Vercingétorix voulait révéler.
Julien se sentit à nouveau happé par ces yeux noirs, pris par la sensation que l’on éprouve au bord d’un gouffre, une envie irrésistible d’y plonger sans réfléchir. Il se leva et s’appuya au mât de proue regardant droit devant. Après un long silence il lui répondit sans la regarder :
- Je voudrais d'abord que vous sachiez que j'ai fait ce qu'il fallait pour les américains. Leurs corps seront rapatriés discrètement aujourd'hui, ils retrouveront leurs familles sous peu. Leurs agresseurs sont morts. Le blessé que vous avez vu n’avait reçu que des éclats de rochers au niveau du cou mais lors de la poursuite, leur véhicule a manqué un virage au dessus de Clachalôze aucun d’eux n’en a réchappé.
Une grille a été posée pour condamner l’entrée de la cavité et une nouvelle voiture brûlée a été imputée à ce, qu'ici, on appelle « des jeunes ».

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- Ainsi vous êtes bien un espion ?
- Le terme technique est « honorable correspondant », dit Alex qui venait de les rejoindre avec sa femme.
- Je vois que Parys t’a convaincu... dit Julien qui s’était retourné.

A ce moment il vit le visage de Genoffa afficher une pâleur terrifiante. Alex jura et courut en direction de la timonerie, immédiatement suivi par son épouse. Un bruit de corne de brume dans son dos attira le regard de Julien, qui fut immédiatement ébloui par deux énormes projecteurs. Il se précipita sur Genoffa.

- Vite sautez !
La péniche avait inexplicablement changé de cap, coupant la route à deux immenses barges convoyées par un puissant pousseur.
- Vous êtes fou ! Pourquoi n’essaie-t-il pas de nous éviter ?
- Il ne peut pas, c’est trop tard, ces convois préparent leurs changement de cap un kilomètre à l’avance, sautez vite !

Deux minutes plus tard, ils nageaient tous deux en direction de la rive. Noyée dans les bourdonnements qui encombraient les oreilles de la jeune fille, la voix de Julien se fit entendre.

- Nous sommes assez loin des navires, économisez vos forces. Nous ne pouvons lutter contre le courant, essayez simplement de rester en surface, on va nous secourir.
Genoffa et Julien tentèrent de reprendre leur calme. Un violent craquement suivi d’un insupportable crissement de tôles se fit entendre. La barge remplie de sable poussa la péniche, qui se plaça perpendiculairement au fleuve.
- Mon Dieu, l’autre navire se casse en deux !
- Non, c’est le pousseur qui a rompu ses amarres pour ne pas être entraîné par le convoi. Ils savent que, positionnée ainsi, la péniche ne passera pas le pont.

La navigation fluviale est un monde de lenteur et de puissance. L’événement prit un temps qui semblait interminable mais était pourtant fatal. La poupe de la péniche se coinça contre une pile et fut écrasée par la première barge qui, pivotant, envoya l’autre s’échouer sur la berge. La coque éventrée de la péniche envahie par l’eau et chargée du sable qui s’était déversé sur le pont entraîna le bateau dans un lent naufrage. Les conduites de butane de la cuisine se rompirent et trouvèrent rapidement une étincelle. La chaleur dégagée par l’explosion fut suffisante pour enflammer le réservoir de gaz-oil. Une lumière rougeoyante sortit le tablier du pont de l’obscurité.

- Mon Dieu ! Parys ! Vos amis !

Le cri de Genoffa perça le silence relatif qui était revenu. Un bruit de petit moteur lui succéda ; c’était l’annexe, pilotée par Alex.

- Les filles sont sauves, je les ai déposées sur la rive. Montez mademoiselle.
- Non !
- Qu’est-ce qu’elle a, Julien ? Elle est blessée ?

Julien nagea vers elle.

- Restez où vous êtes !
- Mais pourquoi ?
- Vous avez déjà essayé de nager avec un ciré ?!



Dernière modification par bob d artois le dim. 20 nov. 2011 16:41, modifié 1 fois.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?

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Message par castafiore »

:whistle: Je viens de lire trois épisodes à la suite, et bien vraiment chapeau Bob ! C'est passionnant ! Un grand merci pour ce plaisir de lecture.

:one: :one: :smack: :smack:
La marquise demanda sa voiture et se mit au lit.
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Message par bob d artois »

Merci Dame Bianca :smack:

Je suis content que ça s'enchaine bien car l'histoire n'a pas été écrite dans l'ordre, les insertions de chapitres ne sont pas toujours évidentes.

J'ai assisté votre dernier récital au Maroc, vous étiez divine !

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Bob :flowers:
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Message par castafiore »

:lol: :lol: :lol: Oui, c'est le grand retour !
Tout s'enchaîne parfaitement comme dans un roman classique, c'est parfait.

:smack: :smack:
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Message par bob d artois »

XVI : L’erreur de William Murdoch


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Encore vêtue de la veste prêtée par un policier, Genoffa essayait de réconforter Abby. Elle avait pourtant récupéré ses affaires mais attendait que Julien libère la salle de bains.
La brigade fluviale les avait raccompagnés tous trois chez Julien pendant qu’Alex et Françoise faisaient leur déposition.
Julien quitta la salle de bain vêtu d’une serviette.

- Où est Parys ?
- C’est Abby maintenant. Elle a téléphoné à son père, il est passé la prendre il y a cinq minutes.
- Elle va mieux ?
- Elle a mauvaise conscience.
- Que s’est-il passé ?
- Elle a été surprise par la taille de la barge qui venait en sens inverse. Elle a eu peur de passer trop près, dans l’affolement elle a tourné la barre du mauvais côté.
- Ce n’est pas de sa faute, il paraît que le Titanic a été perdu de la même façon. Je suis désolé pour cette petite.

Il resta un instant silencieux, la regardant dans son demi uniforme.

- Je suis désolé pour vous.
- C’est un accident, vous ne pouviez rien faire pour l’éviter.
- Je pensais surtout que j’aurais pu éviter de vous mentir.

Genoffa senti en elle monter une émotion comme elle n’en avait connu que petite fille. Ses yeux s'emplirent de larmes sans qu’elle puisse en arrêter le flot. Elle se jeta contre lui et le serra très fort. Julien qui avait perdu sa serviette jugea qu’il aurait l’air moins ridicule s’il l’embrassait. Et surtout, il en avait énormément envie.

Quelque temps plus tard, Julien, encore étendu sur le canapé, écoutait la douche couler dans la pièce adjacente. A son sentiment de culpabilité s’était ajoutée l’impression d’avoir profité d’une situation.
La porte s’ouvrit sur une Genoffa que Julien trouva plus belle que jamais. Il lui découvrit un visage nouveau, plus apaisé. Ses grands yeux exprimaient tout autre chose, une impression de grande douceur. Elle lui sourit.

- J’ai dû remettre la combinaison que tu as découpée, c’est tout ce qu’il me reste.
- À cette heure les magasins sont fermés, tu peux dormir ici, nous t’achèterons des vêtements demain.
- Tu ne vas pas refaire toute ma garde-robe, cette tenue suffira pour rentrer chez moi..
- Mais... ma voiture est restée au château et tes clefs au fond de la Seine...
- Non, elles étaient encore dans mon short, Abby me les a rendues tout à l’heure.

Julien n’insista pas. L’heure précédente, il se demandait si c'était l amour ou les circonstances qui lui avaient valu les faveurs de Genoffa ; ce départ précipité lui donnait une froide réponse qui renforça son remord.
Au volant de sa voiture, Genoffa n’arrivait pas à ordonner ses pensées. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle s’était attachée à cet homme. Mais comment le séduire avec cette tenue sale et en lambeaux, ces cheveux en désordre, ce visage fatigué ?

Il était hors de question qu'elle reste plus longtemps en face de lui dans cet état. De retour chez elle, elle jeta sa tenue dans sa corbeille à chiffons et parti retrouver son miroir, sa salle de bain et tous les accessoires qui lui permettraient d'être irrésistible lorsqu'elle le reverr...

Cette pensée ramena la jeune femme à la réalité des choses…

Elle réalisa qu’au cours de cette semaine passée ensemble, leurs retrouvailles avaient toujours été initiées par les besoins de leur enquête. Maintenant, Julien pouvait la considérer comme résolue, et les preuves de cette solution étant détruites, il n’était plus possible de poursuivre.
Il ne lui restait plus qu’a espérer que Julien tienne suffisamment à elle pour lui téléphon…

- Mon Dieu ! Il n’a aucune de mes coordonnées !

Une angoissante tristesse gonfla la poitrine de la jeune femme. Elle sentait que cette histoire naissante allait se terminer d’une façon brutale et stupide. Son appartement français lui avait été prêté par une amie, il faudrait que Julien enquête pour la retrouver... Mais pourquoi le ferait-il alors qu’il lui aurait été plus simple de la questionner avant son départ ? Elle réalisa qu’elle avait au contraire tout fait pour l’empêcher de connaître son adresse.
Genoffa se laissa tomber sur son lit.

- Si je veux le revoir, je devrai le contacter moi-même.

Mais pour lui dire quoi ? Qu’il lui plaisait ? Qu’elle était seule depuis trop longtemps ? Jamais elle n’avait eu à faire ça avec un homme. Jamais elle ne pourrait. Jamais elle ne voudrait.

- Cette histoire est peut-être déjà terminée et bientôt je n’en aurai aucun souvenir, aucune photo, aucun ami qui nous ait rencontrés ensemble, aucun cadeau qu’il m’aurait offert…

Genoffa bondit et se rua vers sa panière pour en sortir la combinaison déchirée puis, s’en servant comme oreiller, elle se coucha et l’inonda de larmes. Quand l’effet réconfortant du chagrin commença à agir, elle décida de laver le vêtement pour le conserver en souvenir. C’est en en vidant les poches qu’elle trouva le moyen de revoir Julien...

La journée de Julien commença par une injustice. Son réveil fut projeté à l’extrémité de la pièce alors que l’affichage « 04h00 » témoignait de son innocence. Le garçon identifia alors la sonnerie de son téléphone.

- Allô ?
- Bonjour Julien, c’est Genoffa.

Julien se leva brusquement, à la fois réjoui et surpris.

- Genoffa ? Qu’est-ce qui t’amène ?

C’était bien la dernière chose à demander à quelqu’un que l’on est heureux de retrouver, la jeune femme ne lui pardonna pas, sa voix devint plus froide.

- J’ai trouvé une nouvelle piste pour notre affaire.
- Une nouvelle piste ? A quoi bon ? Ce que nous avons déjà trouvé prouvait que tu avais raison.
- Cette preuve est au fond de la Seine, il me faut autre chose pour ma thèse. Mais je vois que ça ne t’intéresse plus, je vais chercher seule.
- Non non ! Raconte-moi, qu’as-tu trouvé ?
- Tu te rappelles le dessin d’enfant que j’ai découvert dans le bunker ?
- Oui, tu l’as encore ?
- Il était dans ma poche, il y a écrit quelque chose en anglais au dos, je vais te le lire, peux-tu traduire ?


To Major H D Trevors,

Hi Dad ! I’ve found a good book in this drawer. I trust it with a picture I draw for you. Mother say I must go school now, I hope you are ok for the book.

Mike.


- Etonnant !
- Quoi ?
- Je croyais qu’un militaire américain de l’époque avait apporté un dessin de son enfant à son bureau, mais d’après ce texte l’enfant l’a probablement dessiné sur place.
- Qu’est-ce qu’un enfant ferait dans un site militaire ?
- Une visite de l’épouse, a priori, elle était peut-être militaire aussi.
- Mais alors nous connaissons quelqu’un qui savait ce qui se trouvait dans cette pièce !
- Comment cela ?
- L’enfant signe Mike et s’adresse à son père appelé Trevors, il suffit de chercher un Mike Trevors aux Etats-Unis et il nous conduira à son père.
- Tu as une idée du nombre de Mike Trevors vivant aux Etats Unis ? De plus son père est peut-être mort...
- Et monsieur Dorval de la DGSE préfèrerait que je ne trouve rien de nouveau, je comprends.
- Mais non enfin… Attends !
- Quoi encore ?
- Les Etats-Unis avaient créé une école américaine dans un château près de Saint-Germain-En-Laye pour accueillir les enfants de leurs militaires. Depuis, c’est devenu un lycée international. Peut-être ont-ils gardé des archives permettant de retrouver ce Mike Trevors. Je t’envoie l’adresse par sms.
- D’accord, on s’y retrouve dans une heure.
- Ce sera fermé, disons plutôt 9h00. Mais je ne crois pas qu’ils accepteront de nous donner ce type de renseignement.
- Certainement pas si tu viens avec tes grandes chaussures comme le jour où nous sommes allé au musée.
- Mes gros sabots tu veux dire ?
- Oui. Cette fois-ci nous procéderons à ma façon, il faut que nous ayons l’air d’un couple inoffensif, gare ta voiture à distance et habille-toi en conséquence...

S’habiller en conséquence ? Julien se demandait pourquoi tout le monde croyait que les espions se déguisaient alors que la plupart d’entre eux utilise leur fonction réelle comme couverture. D’autant que les services français étaient réputés internationalement pour leur pingrerie. Julien n’aurait pu continuer d'assurer ses fonctions si sa société ne faisait pas de bénéfices.

Image

Le couple se retrouva dans la résidence privée qui jouxtait le château. Julien avait choisi un pantalon neutre avec un polo Lacoste sur lequel était noué un pull marine. La jeune fimme l’attendait près de sa voiture, elle portait une petite robe noire très sage mais un peu trop décolletée pour une mère de famille. Le choix était judicieux, il s'adaptait à tout interlocuteur, rassurant pour une femme, attirant pour un homme.
Le second effet eu des conséquences immédiates. Alors qu’elle lui tendait la joue, Julien lui vola un long baiser. La jeune fille apprécia et se laissa faire en fermant les yeux mais s’écarta dès qu’elle les eut ouverts à nouveau.

- Arrête ! Les enfants nous regardent.
- Et alors ? Nous sommes sensés être un jeune couple.
- Oui, mais pas les amants du pont de l’Alma.
- Du Pont Neuf…
- Si tu veux.. Attends-moi, je vais interroger leur surveillant.

Après un bref dialogue, Genoffa fit signe à Julien, puis ajusta son foulard sur son décolleté, lui faisant indirectement comprendre que le proviseur était une femme.
La dame était âgée et distinguée, courtoise mais ferme pourtant.

- Bien sûr, madame, nous avons gardé les listes de nos anciens élèves. Vous êtes de la famille ?
- Non, nous cherchons simplement à retrouver la trace de l’un de ces enfants.
- Dans ce cas je ne peux rien pour vous, ces renseignements ne sont pas publics.

Genoffa donna un coup de coude à Julien pour lui rappeler qu'il était temps pour lui d'intervenir. Après un instant d’hésitation, il prit tendrement sa main et récita son texte.

- Tu vois, je te l’avais bien dit, ton intention était gentille mais ça ne peut pas se faire.
- Je comprends, mais je suis tellement déçue.

La curiosité est un levier très puissant, il ne mit pas longtemps à agir.

- Excusez-moi si je suis indiscrète madame, mais quelle était votre intention ?

Genoffa lui tendit le dessin.

- Nous avons emménagé récemment dans un des immeubles qui avait été construit par les américains, nous y avons trouvé ceci. Je pensais qu’il serait bien qu’il retourne à son auteur.

Le proviseur observa le dessin d’un air un peu ému. Puis lui rendit.

- Malheureusement, vous comprenez que je sois tenue par la confidentialité.
- Mais …

Julien interrompit sa complice. Il savait juger les gens, la femme qu’il avait en face de lui était quelqu’un de gentil et droit. Ces personnes disent rarement non mais quand elles le font, c’est définitif. Il toucha le ventre de Genoffa et lui parla doucement.

- Je vous remercie de nous avoir reçu madame, viens, nous afficherons ce dessin avec ceux du futur petit.
- Attendez !

Le couple qui avait commencé à partir se retourna.

- Oui ?
- Si vous voulez nous pouvons le mettre dans son dossier, ainsi s’il veut un jour le récupérer…
- Vous avez encore son dossier ?
- Vous savez les Américains n’ont pas notre culte du souvenir. Pour les études, seul le diplôme final les intéresse. Presque tous nous ont laissé le reste...
- Le reste ?
- Les devoirs, les réalisations personnelles, le contenu de leurs casiers… Venez, je vais vous montrer.

Elle les guida jusqu’au sous-sol puis les fit attendre devant le comptoir d’une salle d’archive. Après un temps de recherche dans les rayonnages elle revint avec une boîte qu’elle ouvrit sur un plan de travail. N’ayant pas été invitée à entrer, Genoffa tenta :

- Pouvons-nous en voir le contenu ?
- Pas sans l’accord de la famille, vous le comprenez bien.
- Dommage, j’aurais aimé voir les autres œuvres de ce garçon, il dessine admirablement bien.
- Oui, je comprends. Mais ne soyez pas déçue, je ne vois dans cette boîte que des documents écrits, des devoirs ou des exposés, rien de très personnel si ce n’est peut-être…
- Peut-être ?
- Une bande dessinée. .. C’était interdit pendant les cours, je suppose qu’on la lui aura confisquée et qu’il a oublié de la réclamer. Donnez-moi le dessin, je vais le ranger dans la boîte.

Genoffa lui tendit le papier, Julien décida qu’il était temps d’être plus direct.

- Le garçon a écrit quelque chose au dos du dessin, il parle d’un livre.

Le proviseur rangea le dessin dans une pochette transparente et lut le texte.

- Effectivement mais il n’y a aucun livre dans cette boîte, désolée.

Constatant la déception qui se lisait sur le visage de Genoffa, elle proposa :

- Nous avons une autre pièce où sont exposées les réalisations artistiques de nos élèves. Peut-être y en a-t-il une de cet enfant ? Souhaitez-vous les voir ?
- Je croyais que c’était réservé à la famille ?
- Pas les œuvres destinées à être exposées.
- Alors nous vous suivons.
- Si ça ne vous dérange pas, j’attendrai dehors, dit Julien. Je ne suis pas amateur de colliers de nouilles et j’ai besoin d’une cigarette.
- Mais ! Tu ne fum… Heu, bien sûr. Attends-moi près de la voiture, je ne serai pas longue.

Genoffa avait compris in extremis ce que son compagnon avait en tête. Elle suivit le proviseur qui ferma la salle d’archives et la précéda dans l’escalier qui conduisait au dernier étage d’une tour crénelée. Dans une pièce circulaire, parfaitement éclairée par plusieurs fenêtres, se trouvaient exposées les œuvres naïves de nombreux écoliers. La directrice présenta l’exposition avec une certaine fierté.

- Voici, madame, ce que nos élèves américains ont réalisé de plus beau.

Genoffa simula un regard émerveillé pour dissimuler ses pensées :

« maintenant, ma fille, il va falloir gagner du temps. »

Dernière modification par bob d artois le dim. 20 nov. 2011 20:07, modifié 1 fois.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?

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Message par bob d artois »

Et voici le suivant, c'est Cst qui va être contente :D

si quelqu'un peut m'aider sur le mot du petit Mike, mon anglais n'est pas forcément réaliste :rolleyes:
attention il s'agit d'écrire comme l'aurait fait un enfant.

Bob B)

PS : Murdoch n'est qu'une illustration ne partez pas sur une fausse piste, il n'a rien à voir avec le spot.
Dernière modification par bob d artois le mar. 01 nov. 2011 01:24, modifié 1 fois.
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Message par bob d artois »

XVII : Le Chronoscaphe

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Julien avait repéré un secrétariat à côté du bureau du proviseur. Il savait que c’était en général l’endroit où l’on conservait les doubles des clefs. Un peu plus loin se trouvait le centre de documentation. L’endroit avait été déserté pendant la récréation, des élèves y avaient laissé leurs affaires. Julien choisit la plus belle trousse et s’en empara, il s’isola en vue du secrétariat et attendit.
Quelques minutes après le retour des enfants, il entendit deux gamines se chamailler bruyamment, s’ensuivit immédiatement un grand chahut que tentait de couvrir la voix d’un professeur, puis, enfin, la secrétaire sortit de son bureau pour aider sa collègue.
Julien entra discrètement. Son œil aguerri constata qu’il n’y avait aucune armoire à clefs. Avec des gestes vifs et précis il ouvrit les tiroirs et armoires ; rien. Restait l’option qu’il craignait : l’armoire forte.

Dans la galerie, Genoffa avait atteint les limites de la patience de son hôtesse. En dernier ressort, pour gagner encore un peu de temps, elle avait demandé l’autorisation de photographier les différentes œuvres avec son i-phone.

- Vous avez déjà photographié celui-ci madame, et les autres au moins deux fois, je vais vous demander de prendre congé s’il vous plaît, j’ai du travail qui m’attend.

Le langage poli dissimulait mal que la proposition ne souffrait aucune discussion. Genoffa s’excusa et suivit le proviseur en direction de son bureau, espérant que Julien ait eu le temps de consulter le dossier du petit Mike.

En s’approchant du coffre, Julien retrouva le sourire. L’armoire en question était du dernier modèle ; le plus sécurisé. Il était équipé d’une serrure à combinaisons rotatives, pratiquement inviolable. D’expérience, il savait que très peu de personnes maîtrisaient son utilisation, la plupart du temps les détenteurs la laissaient donc ouverte, de peur de ne pas réussir à entrer la combinaison. Pour le cas présent, il avait eu raison.

Image

Dans l’armoire, les clefs étaient soigneusement étiquetées, il prit celle des archives. S’apprêtant à sortir il fut arrêté par des bruits de talons sur les dalles du couloir...

Le proviseur posa ses clefs sur son bureau et proposa à Genoffa de l’accompagner jusqu’à la sortie, mais le bruit de chahut qui s’éternisait attira son attention.

- Excusez-moi madame, je dois aller voir ce qui se passe, vous retrouverez la sortie ?
- N’ayez crainte, je comprends, je vous remercie pour votre accueil.
- C’est naturel, vous retrouverez votre mari dans la cour je pense, saluez-le de ma part.

A ces mots, elle se dirigea d’un pas ferme en direction du centre de documentation, laissant Genoffa seule près du bureau sur lequel étaient posées les clefs. A ce moment, Julien entra.

- Ah ! Vous êtes là ? Vous avez pu entrer ?
- Non, pas encore.
- Mais qu’avez-vous donc fait depuis ?! Bon, j’ai les clefs, le proviseur ne les a pas rangées, allons-y maintenant.
- Non, ça va se remarquer ! J’ai les doubles, laissez les originaux ici et sortez comme prévu. Je vous retrouverai dans une demi-heure à la petite pizzeria qui se trouve en bas de la rue.

Dans un établissement qui avait subitement retrouvé son calme, Julien progressa furtivement jusqu’à la salle des archives. Il y trouva rapidement le dossier de Mike. D’un geste professionnel il consulta tous les documents sans changer leur classement ; rien d’intéressant. Et surtout, pas de livre ! Il regarda sa montre, décida de ne pas insister et rangea les documents, mais il s’interrompit soudainement quand il eut la bande dessinée entre les mains.

- J’ai déjà vu cette image !

Il fouilla dans le dossier pour retrouver le dessin de Mike puis le compara à la couverture du livre. Il était clair que le garçon avait cherché à la recopier sur son dessin, pourtant, outre la qualité du trait, il y avait une différence. En haut à droite l’écolier avait dessiné un logo de l’OTAN en trois dimensions. Au même endroit, sur le livre, se trouvait une sorte d’engin équipé d’un siège. La forme de l’engin était improbable, pourtant Julien était persuadé de l’avoir déjà vu. Il feuilleta les premières pages et obtint sa réponse. Sur une des planches plusieurs vignettes représentaient un donjon médiéval aux formes caractéristiques.

- Le château de Rommel !

Julien se souvenait maintenant ; une reproduction grandeur nature de cet engin était exposé dans les souterrains, il n’y avait pas porté attention, ce jouet ne pouvant avoir de rapport avec le Maréchal allemand.

Son chrono bipa pour la deuxième fois, indiquant qu’il avait dépassé le temps qu’il s’était alloué. Il chercha rapidement le nom que le dessinateur avait donné à l’engin, rangea consciencieusement la boîte avec tout son contenu et évacua la pièce. Lorsqu’il fut dans la rue, il nota sur son calepin :
« Chronoscaphe »

Le couple se retrouva devant un plat de lasagnes servi sur la terrasse d’un restaurant italien situé en contrebas du château. Genoffa avait l’air extrêmement déçue, elle avait retiré son foulard pour le protéger des taches de sauce. Julien essaya de changer de sujet.

- Je n’avais jamais remarqué que tu portais une croix.
- Menteur.

Elle resserra son décolleté puis saisit machinalement sa croix, laissant ainsi remonter un pénible souvenir.

- Tu sais, cet américain qui m’a interrogée… Avant de mourir il m’a donné un exemplaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis. Il semblait y tenir comme moi à ce collier.

Elle fouilla dans son sac et lui donna un papier froissé maculé de taches de sang séché. Le visage de Julien s’assombrit.

Image

- Je connaissais cet homme, il était très efficace mais indépendant, il ne rendait compte à ses chef qu’en fin de mission.
- Il ne pourra plus le faire maintenant.
- C’est une chance pour nous.
- Je n’ai pas réussi à comprendre le rôle des américains dans cette histoire. Leur intérêt pour cette affaire date-t-il d’aujourd’hui ou étaient-ils déjà impliqués du temps du petit Mike ? Penses-tu qu’ils cherchent à cacher la vérité ou à la découvrir ?

Julien s’essuya les lèvres, déplia le document pour le lire et, sans le quitter des yeux, répondit :

- Connais-tu la vraie raison pour laquelle les États-Unis autorisent leur peuple à détenir des armes ?
- Les lobbies des armes, l’autodéfense ?
- Non, dit-il en lui présentant une ligne du document. Tout vient d’une phrase de ce texte :


« Il est de leur droit et de leur devoir de rejeter un tel gouvernement ».

pour info : lien sur la déclaration d'indépendance



Suivant ce précepte de la déclaration d’indépendance, la constitution des États-Unis prévoit que le peuple soit armé pour pouvoir assumer éventuellement ce devoir.

- Mais tout les États du monde ont un raisonnement opposé !
- C’est pour cela qu’ils ne comprennent rien aux Américains. La France en premier lieu qui préféra perdre plusieurs batailles contre les Anglais plutôt que de former son peuple au maniement de l’arc. Nous n’appliquerons jamais la première phrase de notre hymne, les américains, eux, font confiance à leur peuple, peut-être parce que leur seule révolution n’a pas dégénéré.
- Ah oui ? Et les révoltes indiennes et la guerre de sécession ?
- S’il est un point sur lequel les Américains et les Amérindiens ont toujours été d’accord, c’est qu’ils ne faisaient pas partie du même peuple. Quant à la sécession, elle n’avait rien à voir avec une révolution, mais elle est au cœur de notre sujet.
- Pourquoi ?
- Pour l’autre partie de la phrase, celle qui concerne le droit. La force des américains dans tout ce qu’ils entreprennent, que ce soit le pire ou le meilleur, est d’être certains de leur bon droit. S’ils s’apercevaient que leur nation a une origine illégitime, tout ce qui base leur unité et leur volonté volerait en éclat.
- Admettons, et alors ?
- Relis ton document, une grande partie de son texte vise à justifier que les américains étaient bien en droit de briser leur allégeance. Et seul le comportement du Roi d’Angleterre permet cette justification.
- Nous y voilà à nouveau. S'il était reconnu que ce roi était un usurpateur, leurs arguments contre les Britanniques tomberaient.
- Je pense que c’est en effet ce qu’ils craignent.
- Pourquoi donc ? Ils n’auraient qu’à détruire les preuves, ce ne serait pas la première fois qu’ils mentiraient au monde.
- Tu te trompes, nous ne parlons pas ici d’un champ de pétrole ou d’une arme nucléaire. Il ne s’agirait pas de défendre des intérêts vitaux, ni même la survie de leur nation, mais de quelque chose de plus intime : sa naissance. Un peu comme si tu apprenais que celui qui t’a élevé n’est pas ton père, tu voudrais la vérité et l’opinion du monde t’indiffèrerait.
- Tu veux dire que si un roi revendiquait la place de George III, ils se sentiraient obligés de s’y soumettre ?
- Plus exactement, ils ne se sentiraient pas en droit de ne pas le faire. Sauf à pouvoir lui reprocher les mêmes choses.
- Mais quel roi pourrait-ce être ?
- Je n’en sais rien, ce pourrait très bien être la reine d’Angleterre puisqu’elle n’est pas de la même dynastie.
- Tu la vois revendiquer les États-Unis ? Soyons sérieux !
- Avec un Charles ou un William, je serais d’accord avec toi, mais nous parlons Élisabeth II, ce n’est pas une Lady Di voyant la royauté comme un conte de fées agrémenté de contraintes que la modernité pourrait lever. Élisabeth considère son trône comme une responsabilité héritée de Dieu et de ses ancêtres. Si on lui apprenait que son peuple comprend plusieurs millions d’âmes de plus, elle le prendrait comme une charge supplémentaire qu'elle s'interdirait de refuser.
- Mais le Parlement ?
- Ils pourraient en conserver un en propre, comme l’Australie.
- Mais oui ! Donc ça pourrait se passer en douceur.
- Le problème est que seulement treize états ont déclaré leur indépendance vis-à-vis du Roi Georges, les autres l’ont obtenue du Mexique, de la France ou sont nés indépendants.
- Ça veut dire que l’on verrait une partition des États-Unis ?
- De fait, oui, comme pendant la Guerre de Sécession justement.
- Mais Est-Ouest au lieu de Nord-Sud. Tu te rends compte que, partant d’un œil de statue, ton délire nous mène au plus gros bouleversement politique que le monde ait jamais connu ?

Julien voulut lui dire que ce n’était là qu’une hypothèse quand un papillon acheva son vol sur le verre de la jeune femme. Tous deux le regardèrent silencieusement, l’air captivés, puis leurs regards se croisèrent. Genoffa rompit le silence.

- Je dois rentrer chez moi...
Dernière modification par bob d artois le dim. 20 nov. 2011 21:53, modifié 1 fois.
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Message par bob d artois »

J'ai pris un peu de retard,

Je profite de ce long week-end pour vous laisser un ou deux jours sur ce petit suspens le temps de fignoler un peu les chapitres suivants.

Bob B)
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par Mumu33 »

Peaufinez, peaufinez, cher Maître !
C'est un tel plaisir de lecture ensuite... :one:
:smack:
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Message par bob d artois »

;)

:flowers:
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Message par bob d artois »

Hop re-un

B)
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Message par bob d artois »

XVIII : La Source

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Genoffa avait retrouvé son sofa, son chat et son désespoir. Elle ne savait plus où elle en était, entre le garçon charmant et l’espion ; entre la vérité et la responsabilité.

- De toute façon, il ne me reste pas de preuves et nous n’avons rien trouvé au lycée. J’ai besoin de me détendre, de penser à autre chose.

Elle se servit une tasse de thé, brancha son ordinateur et appela son chat. Celui-ci sauta sur les genoux de sa maîtresse, ronronnant sous les caresses, qui, outre le bien-être qu’elles lui procuraient, indiquaient qu’on se souvenait de sa présence et qu’on allait peut-être enfin penser à sa pâtée.

Sur son ordinateur, Genoffa fit défiler les clichés pris dans le lycée. C’était exactement ce qu’elle avait besoin de voir, des œuvres naïves et attendrissantes, pleines de couleurs et de joie. Certaines la firent rire, d’autres l’étonnèrent. Mais l’une d’elle sembla heurter l’harmonie de l’ensemble. Genoffa revint dessus, c’était une sorte de mosaïque ou plutôt de bas relief sans aucune couleur. Son tracé était infantile mais son sujet ne l’était certainement pas.

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- Uxellodunum !!! Ça ne peut être que ça ! Comment un enfant a-t-il pu s’intéresser à un événement aussi sordide ? Et pourquoi justement dans ce lycée ? A moins que…

Un miaulement strident se fit entendre quand Genoffa bondit pour récupérer un papier dans son sac. Elle avait fait une photocopie du dessin trouvé dans le bunker...

- Le petit Mike… Il a emprunté un livre de son père pour l’école, peut-être a-t-il pris d’autres documents ? Peut-être qu’une de ces pièce faisait état du lien Alésia-Uxellodunum ?

Dans un coin, un chat effrayé vit la maison s’agiter et sa pâtée compromise. Genoffa installa ordinateur et imprimante sur sa table de salon puis courut récupérer une pile de livres dans sa chambre avant de trébucher sur quelque chose.
On entendit un miaulement plaintif suivit une série de jurons italiens, puis une boule de poils hérissés s’échappa par la fenêtre la plus proche.

Une heure plus tard, la jeune femme savait tout de la bataille. Les Gaulois s’étaient réfugiés sur un oppidum mais avaient consacré trop de temps à y accumuler des vivres. C’est ainsi que la moitié de leur armée avait pu être vaincue en rase campagne avant son retour dans la forteresse, mais les survivants avaient de quoi tenir pendant des mois. Les Romains commençaient à désespérer quand César arriva.
Il constata que ses ennemis prenaient de l’eau à la rivière. Il en défendit l’approche, les forçant à se ravitailler à une unique source qui se trouvait au pied de leur rempart. César fit construire une immense tour pour pouvoir tirer sur les chercheurs d’eau, mais de courageux Gaulois continuèrent à en collecter.
Les Romains creusèrent alors une galerie dans la colline jusqu’en amont de la source et la détournèrent. Après ce fut la soif, la reddition, l’amputation…

Genoffa retrouva le lieu officiel de la bataille. On la situait au Puy d'Issolud dans le Lot. En récupérant la carte en sortie de son imprimante elle eu un doute. Elle imprima aussi le site d’Alise et compara les deux oppidums.

- C’est impossible !

Image

Les deux oppidums avait presque exactement la même surface. A ceux qui affirmaient que les 80 000 Gaulois d’Alésia ne pouvaient pas tenir sur la colline d’Alise, les partisans du site avaient toujours répondu que César exagérait les effectifs ennemis. Mais pour une fois, on pouvait comparer deux batailles racontées par lui sur deux sites semblables. Si l’on suit le texte de César il ne restait guère que 2000 guerriers à Uxellodunum. L’un des sites était certainement faux puisque, si 80 000 combattants avaient pu tenir sur cette surface, comment deux mille auraient pu suffire à en interdire l’investissement ?
Genoffa avait besoin de réfléchir, elle sortit fumer une cigarette sur son balcon mais des miaulements répétitifs l’empêchèrent de l’allumer.

- Mon pauvre chéri ! Je t’avais oublié.

Prenant l’animal dans ses bras elle se dirigea vers la cuisine en le caressant tendrement.

- Maman va te préparer un… Dio Cane !

En traversant le séjour son regard s’était machinalement posée sur les documents qu’elle venait d’imprimer. Hypnotisée par ce qu’elle venait de voir elle s’assit devant son ordinateur en croyant poser le chat sur la table. Un miaulement strident évalua son erreur à une trentaine de centimètres. Après une brève recherche sur internet et un complexe calcul d’échelle, elle récupéra sur l’imprimante un plan du donjon de Rommel et le superposa à la carte du Puy d’Issolud. En appliquant les deux feuilles sur sa porte fenêtre elle put confondre les deux images par transparence.

- J’en étais sûre !

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Que devait-elle comprendre ? On avait construit le plan du Donjon pour qu’il rappelle le site d’Uxellodunum ? Mais pourquoi ?

- Pour indiquer un endroit du site ma fille…

L’endroit le plus célèbre d’Uxellodunum étant sa source, Genoffa chercha le point correspondant sur le plan du donjon.

- Mon Dieu ! Ça correspond presque au puits du donjon !!! Il y aurait donc une autre cache ? …Il n’y a qu’un moyen de s’en assurer…

Une nouvelle fois la maison s’anima jusqu’à ce qu’un claquement de porte rétablisse un calme baigné de quelques effluves de Saint-Laurent. Une boule de poils fit alors une prudente apparition et, observant la fenêtre restée entrouverte, se demanda si son instinct de chasseur n’était pas trop rouillé...

Dès qu’il eut quitté Genoffa, Julien s’était rendu au château de Rommel. Obligé de suivre le circuit de visite, il le fit au pas de course jusqu’à la grotte du « chronoscaphe ».
L’engin ressemblait parfaitement à ce qu’avait imaginé le dessinateur. La bande dessinée détenue un temps par l’OTAN indiquait peut-être qu’une part du secret se trouvait dans ce « vaisseau ». Malheureusement il était protégé par de forte grilles et l’endroit était trop fréquenté pour une effraction, il lui faudrait revenir de nuit.

Avant de passer le portail, Julien fit un détour par la boutique du château. Il n’y trouva pas les plans qu’il cherchait, mais put acheter une version anglaise de la fameuse bande dessinée. C’est dans celle-ci qu’il découvrit comment entrer : Le héros y trouvait, dans une maison du village, un accès menant aux souterrains.

Cette maison existait réellement. Elle était en vente donc vide. Julien força la porte et visita la cave. Ce fut peine perdue, le sous-sol était des plus classiques et ne cachait aucune ouverture, il lui fallait trouver autre chose.

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Dernière modification par bob d artois le jeu. 03 nov. 2011 22:33, modifié 1 fois.
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par cst73 »

Pauvre matou ! Il ne fait pas bon d'avoir une maitresse aventurière... :sad:

Si je peux me permettre une petite critique, cher Maitre: parfois les dialogues entre Julien et Genoffa mélangent les tutoiements et les vouvoiements... :wacko:
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bob d artois
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par bob d artois »

cst73 a écrit :Pauvre matou ! Il ne fait pas bon d'avoir une maitresse aventurière... :sad:
J'avoue qu'il y a quelques scènes d'une violence atroce :D
Si je peux me permettre une petite critique, cher Maitre: parfois les dialogues entre Julien et Genoffa mélangent les tutoiements et les vouvoiements... :wacko:
En fait les personnages se vouvoient

jusqu'à ce que... :blush2:

après il se tutoient mais Genoffa reprend le vouvoiement quand, croyant qu'il lui a toujours menti, elle s'aperçoit qu'elle ne le connait pas :ph34r:

C'est un peu complexe à amener, j'ai pu me tromper, il faudrait que je relise tout ça ;)

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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par castafiore »

:one: :one: :one: Grand Maître ! J'ai encore lu trois épisodes d'affilée ! Un régal.
Mais parfois je trouve que c'est un peu chaud : "Une angoissante tristesse gonfla la poitrine de la jeune femme." :lol:

:smack: :smack:
La marquise demanda sa voiture et se mit au lit.
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bob d artois
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Message par bob d artois »

:'OO':

bon, je ne le croyais pas mais je vais pouvoir sortir le 19 ce soir ;)

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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par nanou78 »

:'OO': Dépêchez-vous cher maître, il ne reste plus que 20 minutes.... :tease:

:flowers:
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par bob d artois »

XIX : Le Conjuré

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Installé sur le parvis de l’église, Julien déploya les plans qu’ils avaient trouvés dans le bunker. Il se rappelait que la voûte située au dessus du « Chronoscaphe » était percée ; s’il situait l’endroit de la falaise qui se trouvait juste au-dessus de la salle du vaisseau temporel, il pouvait espérer y trouver un passage. Il disposait d’un plan des souterrains, qu’il put faire coïncider avec une vue satellite du château. Ce fut alors un jeu d’enfant de situer l’endroit de la falaise qui se trouvait au-dessus de la salle à atteindre... Restait à le rejoindre.

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A partir de la maison qu’il avait fouillée, il trouva un escalier grimpant la colline, puis dès qu’il fut au dessus des toits, longea la falaise en prenant les sentiers les plus proches d’eux. Se repérant aux cheminées des toits, il parvint bientôt à l’endroit voulu. Son idée était bonne, l’endroit présentait bien un accès descendant à l’intérieur de la falaise. Un muret avait été monté autour pour en interdire l’accès, mais il était possible de l'enjamber.
Il atteint une salle dans laquelle un trou dominait le « Chronoscaphe » des cordes déjà présentes lui permirent de descendre jusqu’à l’engin.

Après avoir forcé les grilles, il s'obstina à fouiller pendant plus d’une heure mais cela ne donna aucun résultat.
Julien restait bredouille, avec pour seul indice, un album de bande dessinée !

De retour à son véhicule il récupéra le téléphone sécurisé qu’Alex avait sauvé du naufrage.

- Allo, Alice ? c’est…
- Je sais qui tu es, ce téléphone authentifie. Tu ne m’appelles que quand tu as besoin de quelque chose, de quoi s’agit-il ?
- C’est un peu normal, ce téléphone est réservé à un usage professionnel !...
- Tu as aussi mon téléphone privé…
- Écoute, je n’ai pas le temps... Peux-tu me renseigner sur ce livre ?

Julien cita les références, sa correspondante synthétisa ses sources de renseignement et répondit :

- L’auteur est britannique, rien de particulier sur lui. Par contre, l’album a été interdit en France dès sa sortie en 1962.
- Pour quelle raison ?
- Officiellement : "hideur et violence des images".
- Et officieusement ?
- Censure gouvernementale : il semble que l’on ait voulu protéger un secret.
- Suis-je autorisé à savoir lequel ?
- Oui, c’est celui que tu protèges en ce moment.
- Mais bon Dieu ! Pourquoi ne m’en a-t-on jamais parlé ?
- La décision venait de la DST, nos deux services n’ont fusionné que récemment, les bases de données commencent seulement à être partagées.

Julien réfléchit. Ainsi donc la DST avait envisagé que ce château puisse avoir un rapport avec cette affaire et surveillait les documents qui y étaient liés. D’où venaient leurs soupçons ? Peut-être avaient-ils remarqué que les Américains s’y intéressaient via Trevors. L’OTAN a occupé le bunker de 1952 à 1967. Si les Américains avaient une piste à l’époque, pourquoi ne sont-ils revenus qu’aujourd’hui ? Trevors était américain, mais travaillait-il pour son pays ?

- Allo ?
- Oui Alice, excuse-moi je réfléchissais...
- Cette ligne ne doit pas être encombrée, je…
- Attends ! Une dernière question. Qui étaient les dirigeants de l’OTAN de 1952 à 1967 ?
- Je t’envoie l’organigramme par mail, je dois couper, au revoir.
- Merci...

Trois minutes plus tard la liste demandée apparut sur l’écran.

- Incroyable !

Julien s’accroupit et fouilla son sac pour en sortir un stylo ainsi que la seconde photo de Rommel prise dans le château. D’un cercle bref il entoura le personnage central, celui qui portait des lunettes :

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- Hans Speidel ! Cet homme était le chef d’Etat-Major de Rommel pendant son séjour au château. Il resta à ce poste quand Rommel fut remplacé.

Julien consulta à nouveau son téléphone : le même nom apparaissait en tant que chef des forces terrestres de l’OTAN en 1957. Il quitta ce poste en 1963.

- Un an après la parution de l’album…

Julien appela à nouveau son contact.

- Oui, il s’agit bien du même homme, je t’envoie sa photo.
- Comment a-t-on pu accepter cela si peu de temps après la guerre ?
- Tout le monde ne l’a pas accepté. Speidel avait aussi été l’adjoint du commandant militaire de Paris ; certains fils de résistants fusillés ou déportés ont refusé d’effectuer leur service militaire sous les ordres de celui qui commandait les assassins de leurs pères...
- C’était à prévoir.
- Le litige a été réglé en les affectant outre-mer, hors du commandement de l’OTAN. Il faut comprendre que cet homme était considéré comme un résistant à Hitler du fait de sa participation au complot du 20 juillet 1944.
- Je comprends mieux, il a donc réussi à échapper à la vengeance du Führer.
- Non, il a été arrêté par la Gestapo mais acquitté par le tribunal.

Julien raccrocha. Acquitté ?! Cela n’a aucun sens ! On estime à 5000 personnes le nombre de condamnés à suite de cet attentat, les familles des conjurés ont été déportées, parfois débaptisés, et l’un des plus importants d’entre eux aurait été acquitté ? Un tintement bref annonça la réception de la photo, Julien la regarda s’afficher sur son écran.

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La création de l’OTAN visait trois objectifs « garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle ». L’évolution logique de ce concept menait à intégrer ces derniers à l’Alliance et aboutissait fatalement à leur confier, à terme, de hautes responsabilités. Seul un général ayant fait la guerre pouvait prendre ces responsabilités et seul un opposant à Hitler pouvait être accepté par les Européens. Il y avait une contradiction dans la carrière de cet homme : ce qui lui valait la sympathie des alliés aurait dû lui valoir la condamnation d’Hitler. Pourquoi avait il été épargné ?

- Il avait une monnaie d’échange... Hitler attendait quelque chose de lui !

Julien était quelqu’un d’organisé. Il sortit un calepin, et établit plusieurs scénarios compatibles avec les données en sa possession. Quatre d’entre eux étaient crédibles mais trois menaient à une révélation du secret avant les années 70. Il se concentra sur le quatrième :

En 1944, Rommel découvre quelque chose dans son PC de secours... S’appuyant sur des hommes de confiance, il le cache dans son château-QG, à l’insu de la garnison. Speidel, son adjoint, n’est pas dans la confidence mais soupçonne quelque chose. Il choisit quelqu’un pour enquêter, un des rares soldats à ne pas vénérer le Maréchal, un SS. Il communique avec lui de façon indirecte pour ne pas s’impliquer... Voilà pourquoi on retrouve ces deux photos dans l’étui du masque à gaz du soldat. Elles indiquent le passage et certifient le commanditaire. C’est donc certainement aussi Speidel que l’on voit de dos sur la première photo.

Il est probable que le soldat ait aussi communiqué avec la hiérarchie nazie, mais sans en savoir assez. C’est à ce moment qu’intervient l’attentat.
La popularité de Rommel ne permet pas de l’exécuter, encore moins de l’emprisonner pour lui faire avouer ce qu’il cache. Interroger Speidel serait prématuré, il en sait encore trop peu, par contre, débarrassé de son chef, il peut enquêter plus librement, les Nazis prévoient donc d’attendre pour l’arrêter, ce qui les oblige à l’acquitter. La fin de la guerre arrive assez vite pour le sauver. Speidel met alors tout en œuvre pour retourner en France. Il réussit au-delà de ses espérances en 1957.

La parution en Angleterre d’un album traitant du château et interdit en France attire son attention, le fait que des personnalité importantes se soient intéressées à une bande dessinée britannique s’explique par l’affaire Leonard Dawes : cet homme fournissait les mots croisés du Daily Telegraph ; dans les mois précédant le débarquement, on retrouva dans ses grilles les mots « Utha, Omaha, Neptune, Mulberry et Overlord .» On reconnaît aujourd’hui qu’il s’agissait d’une coïncidence, peut-être est-ce le cas pour la bande dessinée. Le Major Trevors travaillait peut-être pour Speidel, ou alors il enquêtait sur lui au profit des Etats-Unis. Ayant trop peu d’éléments à leur départ de France en 1966, ceux-ci auraient alors attendu qu’un événement nouveau étoffe le dossier.

- Par exemple l’enquête d’une historienne italienne…

Julien observa à nouveau l’album.

- Genoffa !

Dernière modification par bob d artois le ven. 04 nov. 2011 01:29, modifié 3 fois.
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par bob d artois »

Comme vous voyez, quelqu'un me met la pression :lol:
:flowers:

bon je n'ai pas tout relu, j'ai pu louper qq trucs je corrigerai en live.

Bonne lecture et bonne nuit ;)

Bob
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Re: Les 4000 mains d’Uxellodunum. (Petit roman policier)

Message par cst73 »

bob d artois a écrit : Julien restait bredouille, avec pour seul indice, un album de bande dessinée !
Une bonne occasion de se re-plonger avec délice dans cette vieille BD ! :rolleyes:
je me demandais bien où j'avais pu entendre parler de "Chronoscaphe" ;)


:flowers: :flowers: Bob!
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