Cela faisait deux ans qu’elle traînait dans les cartons que j’ai déménagés
Voici en avant-première sur ce fil, l’histoire qui servira de support à 30 cistes.
Principe :
Construire une histoire improbable et mystérieuse à partir de coïncidences liant des faits réels et de jolis spots.
Voici donc :
Vous pouvez vous faire une première idée en consultant :
le Synopsis
Tout a été tenté pour percer le secret des Templiers sauf une chose :
Associer dans la même enquête quatre spécialistes que tout oppose.
C’est le pari de l’inspecteur Reval. Mais sera-t-il seul à tirer les ficelles ?
Le 13 octobre 1307 tous les templiers de France sont arrêtés. On ne saisit que peu d’objets de valeur au siège parisien de l’ordre. Parmi eux une tête de femme en argent sur laquelle est gravé : « LVIII M ».
En juin 1308 l’inquisition interroge le templier Jean de Châlon. Il avoue que le soir du 12 octobre 1307, trois chariots chargés de paille et une cinquantaine de chevaux ont quitté le Temple de Paris, siège du Grand Maître. Ils se seraient dirigés vers l’ouest. Si leur destination était l’Angleterre, où beaucoup de templiers trouveront refuge, une des routes les plus probables passait par Gisors.
En octobre 1311 Le Pape convoque le concile de Valence qui aboutira à l’abolition de l’ordre par la bulle «Vox in excelso ». Les Templiers sont poursuivis dans toute l’Europe à l’exception de l’Angleterre. On pense que certains se sont également réfugiés en Ecosse ou en Suisse.
Le 18 mars 1314 les deux derniers accusés, le grand maître Jacques de Molay et le précepteur de Normandie Geoffroy de Charnay, sont brulés vif. Le procès et les interrogatoires auront duré sept ans.
En 1944 Roger Lhomoy creuse, presqu’à mains nues, les entrailles du château de Gisors dont il est le jardinier depuis 1929.
En mars 1946 il déclare au maire avoir trouvé, à 20 mètres sous le donjon, une chapelle souterraine comprenant 12 statues, 19 tombeaux et 30 coffres. Lhomoy n’a pu ouvrir les coffres seul et personne n’ose l’accompagner dans son tunnel non étayé. On fait reboucher celui-ci par des prisonniers allemands.
En 1962, le journaliste Gérard de Sède publie un reportage sur Lhomoy. Il reçoit alors un appel d’un archéologue travaillant sur des documents médiévaux helvétiques. L’un d’eux est le plan d’une chapelle correspondant exactement à la description de Lhomoy. Il n’y est fait aucune mention de localisation mais il y figure une croix templière entourée d’un cercle.
En 1964 le ministre de la culture André Malraux relance des fouilles. Après l’échec des archéologues, le ministre engage l’armée. Le 12éme Régiment du Génie évacue des camions de terre sans résultat.
En 1966, suite à des excavations clandestines, le Donjon se fend. Il est renforcé avec 15 piles de 27 m haut. Toute fouille, officielle ou non, y est désormais interdite.
Mercredi 15 décembre 2010, Tournedos sur Seine :
Son petit déjeuner terminé Elsa aimait prendre de l’eau à son puits pour arroser les plantes de son balcon. Ce rituel terminé, elle quitta son domicile avec un œil sur la boîte à lettre délabrée qu’elle s’était souvent promis de changer.
Tenant le guidon de son solex, elle parcouru à pied la rive de Seine reliant sa petite ferme à la mairie. Après avoir lancé le moteur, elle prit le trajet de son lieu de travail mais ne s’arrêta pas à l’inspection d’académie.
Elle avait enseigné cinq ans avant d’être mutée sur un poste administratif et avait demandé de conserver ses mercredis libres pour militer dans un mouvement écologiste. C’est à ce titre qu’elle était invitée à l’inauguration d’un bâtiment industriel ayant reçu le trophée du Développement Durable 2009-2010.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
Mercredi 15 décembre 2010, Cocktail d’inauguration du Data Center EDF de Val-de-Reuil.
Cela faisait trois fois que l’œil charmé de l’orateur s’attardait sur elle, et il n’était pas le seul. Pourtant la jeune fille, concentrée sur le discours, ne semblait pas l’avoir remarqué.
Toute jeune diplômée de l’école nationale d’architecture, Anne-Sophie était fière d’avoir contribué au projet. Pourtant, se charger d’un Datacenter revenait pour un architecte à construire un immense cube qui servirait de frigo à des ordinateurs. Ses collègues les plus expérimentés s’étaient concentrés sur le système de climatisation, le résultat fut un prix récompensant la réduction de 25% de la consommation électrique du complexe. On avait relégué à la jeune recrue la partie la moins valorisante : Faire que cette masse de béton ne tranche pas trop dans le paysage. On lui avait suggéré de copier l’idée du Datacenter voisin mais elle avait vite compris que ce mur végétal vertical et ce tapis de bois, virant au gris par manque d’entretien, n’étaient pas la solution. Passionnée par l’archéologie et la construction à travers les âges, elle avait immédiatement pensé à Versailles. En recouvrant les murs de métal poli, ceux-ci renverraient, comme la galerie des glaces de Mansart, le paysage qui était face à eux. Simple et économique, le système s’adaptait même aux saisons.
Trader prometteur d’une des banques appuyant le projet, Thierry rageait de n’avoir pu convaincre son patron. Bien sûr le consortium financier avait été créé pour assumer le risque à la place du client mais Thierry estimait que cela aurait dû se limiter aux risques quantifiables, en coût comme en probabilité. C’est-à-dire à ceux que l’on pouvait intégrer à la facture.
Ivan était heureux d’arriver à la fin de cet ennuyeux projet. Un Datacenter n’était pour lui que de la bête mémoire utilisée pour classer des fiches et toute la puissance de ces ordinateurs ne servait qu’à les trier le plus rapidement possible. Il n’avait suivi son équipe à l’inauguration que pour voir le petit bijou dont personne ne parlait. On appelait cela un « supercalculateur ». Là se trouvait, pour Ivan, la vraie informatique. Malheureusement ce condensé de technologie n’intéressait que peu de clients, hormis peut-être des créateur de jeux vidéo 3D.
Pour Elsa la coupe était doublement pleine. D’abord parce que trois flutes faisaient beaucoup pour quelqu’un qui ne buvait jamais, mais surtout parce que, pour elle, 1 500 tonnes de CO2 économisées par an signifiait que dans la même période le centre en rejetterait 4 500. Ne supportant plus ce discours elle décida de s’éclipser discrètement mais, arrivée à la porte principale elle remarqua qu’un groupe écologiste concurrent y manifestait bruyamment. Ne souhaitant pas leur donner la possibilité de mal interpréter sa présence elle bifurqua immédiatement vers la gauche pour contourner le site jusqu’à la forêt toute proche. Décidée à y attendre leur départ avant de rejoindre son véhicule, elle s’arrêta sur une étrange levée de terre clôturant un carré presque parfait. Laissant filer ses pensées, elle remarqua une pierre sur un angle du périmètre. Un poisson y était gravé, un peu comme le faisaient les premiers chrétiens.
L’inspecteur divisionnaire Paul Reval était le seul à avoir remarqué son départ. La tâche lui avait été aisée car, durant de toute la cérémonie, son attention ne s’était portée que sur quatre personnes.
Dernière modification par bob d artois le sam. 06 févr. 2016 17:01, modifié 1 fois.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
Les cistes sont dans le Vexin Normand (Eure) groupées en deux paquets autour de deux châteaux.
L’un d’eux est visible sur la vidéo, pour l’autre, voir le GPS de la voiture ;)
Il y aura aussi 3 cistes hors série situées en Pays de Loire (pas loin de chez toi ) ce qui porte le total à 33
Hello grande Prêtresse
As-tu noté le hululement dans la vidéo
Monsieur le duc ;)
En simplifiant, voici comment cela se passe :
(j'ai mis un spoiler pour ceux qui préfèrent
ne pas savoir.)
Je prends un mystère célèbre puis j’essaie d’y trouver une solution originale qui mène à un spot.
Souvent cette solution me mène à d’autres spots et d’autres mystères. Je relie les uns aux autres par de coïncidences puis j’essaie de faire intervenir la succession spot-lien-spot-lien-spot… de façon logique et fluide, en général au travers de l’enquête d’un personnage.
Le mieux est de pouvoir, comme souvent ici, trouver des liens qui confirment certains de ceux qui ont précédé.
Le thème de cette histoire ouvrait pas mal de possibilités, j’ai même été obligé de supprimer certains paragraphes pour ne pas alourdir. Je vais pouvoir publier un bonus
Bob
Dernière modification par bob d artois le sam. 06 févr. 2016 23:14, modifié 1 fois.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
des cistes historiques. Le plus dur sera de les décoder. Elles ne sont pas dans ma (mes) zone(s), mais pour le plaisir, pourquoi pas?
Attendons donc la suite......
Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur (Beaumarchais)
Je me promène avec: 112342 - De quinqua à sexa!
Et pour ceux qui vivent ou viennent dans le Morbihan, n'oubliez pas la ciste 50534 - Entre Terre et Mer.
Dans la salle d’attente de l’hôpital des Andelys, Elsa avait l’impression d’avoir déjà rencontré les trois personnes qui patientaient avec elle depuis une demi-heure. En fait il s’agissait d’autres convives de la réception de la matinée et tous étaient là pour la même raison.
Arrêtés par la police à la sortie du cocktail d’inauguration, leur taux d’alcoolémie leur avait valu une convocation pour une prise de sang de confirmation.
La ponction terminée, ils furent dirigés dans un étrange salon où un homme les accueillit.
Après avoir exhibé une carte de police, il leur tint un long discours qui se résumait au fait que leur infraction serait oubliée, s’ils voulaient bien aider la police dans une enquête.
A sa grande surprise tous acceptèrent. Il projeta alors la photo d’un homme prise pendant le lunch.
Elsa bondit :
- Je connais cet homme il est… Il est potentiellement l’assassin de millions d’hommes.
- Que voulez-vous dire ?
- C’est un scientifique, certainement payé par de grosses industries. Il passe une grande partie de son temps à dénigrer les théories sur le réchauffement climatique, retardant ainsi les mesures d’urgence qui doivent être prises.
- Je sais que vous êtes enseignante en histoire et écologiste, pouvez-vous enquêter sur le passé militant de cet homme ?
Quand à vous, monsieur l’informaticien, j’aimerais que vous étudiiez son dernier livre : « Le E perdu du GIEC ».
Il se tourna alors vers les autres.
- D’après mes renseignements, vous êtes tous en vacance ou dans une situation équivalente à compter de vendredi. L’administration vous offre le gîte et le couvert dans un centre de séminaire en amont de Tournedos sur Seine. Ce sera notre QG pour toute la durée de l’enquête. Je vous y attends demain à 14h00.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
L’effet papillon est souvent décrit sous cette forme : un simple battement d’aile peut provoquer une tornade à l’autre bout de la terre.
Plus exactement il devrait être exprimé ainsi : si vous arrivez à créer un modèle capable de prédire qu’il y aura une tornade, en tenant compte de tous les paramètres en jeu y compris les battements d’ailes des papillons. Il suffira que vous oubliiez un seul battement d’aile pour que ce modèle dise le contraire.
Ivan était un des meilleurs spécialistes de ce type de calcul et était, par définition, expert en statistiques et probabilités.
L’inspecteur accueillit le groupe à l’entrée de l’imposant colombier qui ornait le centre de la propriété. Tous furent émerveillés par ce qu’ils trouvèrent à l’intérieur. Le haut de l’édifice avait été aménagé en bibliothèque circulaire visible depuis le rez-de-chaussée. Une coursive accessible par un escalier en colimaçon permettait d’en parcourir les rayonnages.
L’étage inférieur rassemblait, dans les mêmes boiseries, le raffinement d’un club anglais et de la salle de lecture du palais Bourbon. Un projecteur vidéo et plusieurs postes informatiques ajoutaient une note moderne sans dénaturer l’harmonie de l’ensemble. L’inspecteur indiqua les profonds fauteuils en cuir.
- Vous êtes ici chez vous pour toute la durée de l’enquête. En haut se trouve une des plus belles collections d’ouvrages de la région, je l’ai enrichie de quelques documents plus récents. Monsieur l’informaticien, vous avez la parole.
Ivan ne s’encombrait jamais de mots inutiles, il exposa directement les faits.
- J’ai étudié le livre de notre homme, tout ce qu’il écrit est convaincant, en particulier lorsqu’il dit que la forme en « crosse de hockey » de la courbe du GIEC de 2001 tient plus à la méthode statistique employée qu’à un réchauffement récent de la planète. Egalement lorsqu’il parle des mesures de certains cernes d’arbres dont la croissance ne varient pas qu’en fonction de la température et des stations de mesures météo qui indiquent un réchauffement uniquement parce que, depuis, l’urbanisation les a rejointes. Mais là où il marque le plus de points c’est lorsqu’il parle de la légende du Namazu.
- Le Namazu ? Ne s’agit-il pas de ce poisson-chat qui vivrait sous le Japon et dont les mouvements provoqueraient les tremblements de terre ?
- Oui, la légende date du tremblement de terre de Edo qui deviendra plus tard Tokyo. Son origine vient du fait que les poissons-chats ont tendance à s’agiter peu de temps avant les tremblements de terre.
- Vous voulez dire que l’auteur associe les tremblements de terre et le réchauffement climatique ?
- Non, pas du tout. L’auteur fait remarquer que la capacité des poissons-chats à détecter les tremblements de terre avant l’homme ont conduit celui-ci à croire que ce sont eux qui les provoquaient. Un des cercles les plus influents du GIEC est composé de glaciologues. L’étude des carottes de glaces permet de voir l’évolution de la température mais aussi celle de la concentration de CO2. C’est par ce biais qu’il a pu être démontré que les deux courbes se suivaient.
- Et que le réchauffement climatique était bien provoqué par le CO2 et donc par l’homme. Précisa Elsa.
- Mais depuis la technique des glaciologues a progressé dans la précision des datations et l’on a pu dissocier les deux courbes. Cela a confirmé qu’elles se suivaient bien, mais pas dans l’ordre que l’on supposait.
- Pardon ?
- Comme pour les poissons-chats, l’homme a confondu cause et conséquence. Le CO2 suit l’évolution du réchauffement, pas le contraire.
Elsa n’était qu’à moitié surprise, le GIEC lui-même avait renoncé depuis 2006 à faire apparaître la fameuse courbe de Mann dans ses rapports. En revanche, les résultats de sa propre enquête la stupéfiaient.
- Je ne comprends pas… Il y a dix ans cet homme affirmait l’inverse. Il fut même à l’origine du mouvement qui révéla les dangers du CO2 et la responsabilité de l’homme. Il a fait partie des membres du GIEC avant de demander à en sortir mais apparait encore dans leur liste. Il est l’auteur de la plus belle réplique sur l’argument du Groenland…
- L’argument du Groenland ?
- Groenland veux dire « terre verte » en scandinave. Un climato sceptique lui a dit un jour que cela confirmait qu’il y avait eu un réchauffement avant la découverte du Groenland. Notre homme a répondu que le découvreur en question s’appelait Erik le Rouge ce qui ne permettait pas de déduire que les Vikings étaient communistes.
Son engagement écologiste date des années 80 ; il était à la pointe du combat contre les essais nucléaires français dans le Pacifique.
- Je l’ai fait suivre à la sortie du cocktail, il loge dans une ferme près d’ici. Dit l’inspecteur en faisant apparaitre la photo des lieux.
- Belle architecture remarqua Anne-Sophie, un peu dans le style des commanderies templières.
- C’en est une. Je pense également que notre homme est un Templier.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
Quelques jours d'infidélité (enfin ... de manque d'assiduité) au forum, et voilà que je manque un EVENEMENT !
Le retour du grand Bob conteur !
Merci d'avoir eu la gentillesse de me prévenir par MP, car je vais prendre un plaisir gourmand à dévorer les chapitres que tu vas nous distiller ici-même !
Les "4000 mains d'Uxellodunum" avait été pour moi un vrai régal, (que j'avais eu la fierté de finir en "prem's", et le très grand plaisir d'aller décapsuler la dernière ciste .... chez le cacheur !! ;) ) et j'attendais avec impatience une suite cistique du même cru !
Du coup, je me console de mon retard, avec le bonheur d'avoir 4 chapitres à lire d'un coup !
Nous aussi, nous avions pris un grand plaisir à résoudre les énigmes des "4000 mains d'Uxellodunum" et nous ne doutons pas que ce nouveau "challenge" va nous occuper pour le reste de l'hiver….. Le fait que cela se passe dans notre département n'est pas pour nous déplaire…..
Allez on vous laisse, nous commençons notre lecture…….
Bien amicalement à tous,
les2a
L’inspecteur avait besoin de garder tout son monde sous la main. La tâche fut facilitée par le luxe et le charme de la résidence. Elsa elle-même, bien qu’habitant à deux pas, accepta la chambre qu’on lui proposait. Il leur laissa un peu de temps pour s’installer avant le dîner.
A vingt heures, autour de la cheminée, il prenait l’apéritif avec Ivan quand Thierry fit son apparition.
- Mais ! Pourquoi êtes-vous en smoking ?
- Vous allez le savoir dans une minute. Dit-il en ouvrant les deux battants de la porte.
Les deux hommes restèrent sans voix. Les jeunes filles avaient décidé de faire honneur au manoir en soignant leur toilette. Anne-Sophie était merveilleuse dans une robe noire fuseau légèrement retro, assortie de longs gants de satin. Elsa quant à elle, était tout simplement méconnaissable.
Le succulent menu et les vins fins finirent de détendre l’atmosphère et, la jeunesse aidant, une complicité de potache se développa chez les « invités » de Paul. Pourtant, après le dessert, Anne-Sophie remarqua un regard absent chez l’informaticien.
- Qu’y a-t-il Ivan, tu rêves ?
- Non, excuse-moi, je réfléchissais.
- A notre enquête ?
- Oui et non. Je n’aime pas ne pas comprendre. Je n’avais pas étudié la question climatique jusqu’ici, et je m’aperçois que l’on m’a certainement mené en bateau.
- On ne t’a pas trompé. Intervint Elsa. Il existe de nombreuses preuves d’un réchauffement climatique causé par le CO2.
- Je répète que celles dénoncées par le livre sont des arnaques scientifiques.
- Oui, je suis d’accord mais il ne s’agit que d’une petite partie de ces preuves. Le problème est que ce sont celles qui étaient les plus aisées à faire comprendre au public donc aux médias et par voie de conséquence, aux gouvernants.
- J’attendrai donc d’avoir plus de données pour me faire une opinion.
Déconcertée que l’on puisse douter d’une chose si communément admise, Elsa chercha un appui auprès de la jeune architecte.
- Et toi Anne-Sophie ? Tu es une scientifique, crois-tu que ce réchauffement existe ? Pense-tu qu’il est dû à l’homme ou à la nature ?
- Je crois que la nature a été créée par Dieu, que celui-ci nous aime et ne nous soumet qu’aux épreuves que nous pouvons surmonter.
- Cette dernière phrase me plait ! Déclara le trader avec un œil brillant. L’homme a été jeté sur une planète qui lui est globalement hostile. Il a vécu 150 000 ans sans en avoir connu les zones les plus tempérées. Il n’a survécu au désert que parce qu’il a inventé le puits et aux glaces que parce qu’il a inventé le feu. C’est la créativité de l’homme, sa capacité à construire et à innover qui lui ont permis de survivre. Quelque soient les défis que lui posera la nature, il saura les surmonter.
Elsa bondit.
- Tu as une idée du caractère extrême des bouleversements qui risquent de se produire en 2050. Tu crois qu’il suffira d’un puits !
- L’espace est parcouru de radiations, la température y oscille entre 100 et -150 degrés, il ne comprend pas d’oxygène. Pourtant l’homme y vit en permanence depuis l’an 2000.
- Il ne comprend pas non plus d’eau, pourtant l’astronaute Luca Parmitano a failli s’y noyer cet été*. En croyant se protéger l’homme ne fait que se créer de nouveaux dangers. Je respecte la foi d’Anne-Sophie car elle est de l’ordre de l’intime mais ce qui te rend optimiste m’effraie au plus haut point. Je préfère aller me coucher.
La voyant quitter la pièce Thierry lança un regard interrogateur aux autres convives.
- J’ai dit quelque chose qui a pu la froisser ?
Anne-Sophie eut un petit sourire, elle se tourna vers leur hôte.
- Et vous inspecteur ?
- Moi ?
... J’espère qu’elle a raison.
- Vous espérez ??
- Si c’est bien l’homme qui, par sa volonté de prolonger son confort, est en train de détruire la planète, c’est que ce crime possède un mobile et un coupable, nous pouvons donc l’arrêter.
- Comme tout a l’air simple avec vous. Pourquoi ne le fait-on pas alors ?
- Parce-que ce que notre historienne appelle « preuves » ne tiendrait pas devant un jury.
- D’autant que la peine serait lourde ; poursuivit le trader. Décroissance, chômage peut-être même guerres.
Anne-Sophie eu un petit rire.
- Heureusement qu’Elsa est partie. Ne pensez-vous pas que nous pourrions juste passer un peu moins de temps à consommer et plus à s’aimer.
- Je suis tout à fait d’accord. Tu n’imagines pas ce que les gens sont prêts à dépenser par amour.
Le visage d’Anne-Sophie se ferma, elle tourna la tête vers Paul.
- Inspecteur, j’aimerais moi aussi comprendre. Vous pensez qu’après avoir défendu les pèlerins, les templiers auraient survécu pour défendre la planète ?
- Non mademoiselle, les templiers croyaient comme vous que Dieu avait créé la nature pour l’homme. Ce type de lutte n’aurait eu aucun sens pour eux. De plus ils étaient plus pragmatiques que visionnaires. Ils étaient chevaliers donc ils ont protégé les pèlerins. S’étant ainsi amélioré à la bataille ils sont devenu guerriers, devant recruter ils sont devenu communicants, devant gérer des dons ils sont devenus capitalistes, accumulant de l’argent ils sont devenus banquiers. Leur but restant d’être toujours plus efficaces pour servir Dieu et les hommes.
- En en tuant d’autres ?
- Oui et les minutes des procès révèlent que cela a été source de tension entre eux et l’église. Mais nous y retrouvons leur pragmatisme. Baignés des idéaux de la chevalerie, ils savaient pourtant que les dragons n’existaient pas…
- Je vois ce que vous voulez dire. Puisque tout est création divine et que le diable n’a d’influence que sur l’homme, le seul combat légitime est de protéger l’homme contre l’homme. Elsa vous dirait que c’est ce qu’elle fait en luttant contre les hommes qui réchauffent la planète.
- Les templiers n’ont lutté que contre des dangers qu’ils croyaient certains, immédiats et correspondants à leurs compétences. Comment seraient-ils devenus climatologues ? Et puis n’oublions pas que notre homme a retourné sa veste sur ce sujet. Concentrez-vous sur lui et cessez de philosopher, ce sont les faits qui feront progresser notre enquête.
Demain départ à huit heure, nous allons visiter le château de Gisors. Je vous souhaite une bonne nuit.
(*) En réalité l’évènement a eu lieu en 2013
Dernière modification par bob d artois le lun. 08 févr. 2016 01:16, modifié 1 fois.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
Mamafrau Chabala Roucoulette, challenger de Nausicaa d’Uranie pourfendeuse des torpeurs du Roi d'Ithaque, membre de l'Ordre du Hibou, A nouveau "Grand Faucon Pèlerin de l'Ordre de la Ciste Intenable", le virus est toujours là ! On y va ? On y va ? (devise empruntée à un célèbre gaulois légèrement enveloppé, voire un peu bas de poitrine...) Membre du FLAMMS ; co-fondateur du CAD. Cisteur (quasi) exclusivement grégaire. Résolutions 2019 : toujours LGL, comme en 2015, 2016, 2017 et 2018... A ne surtout pas oublier !
Un soleil pâle se reflétait sur le givre qui couvrait les allées du parc de Gisors. L’inspecteur se tenait près d’une large souche qui illustrait parfaitement comment on pouvait analyser le climat en fonction des cernes des arbres. Le livre du « templier » ne remettait pas en cause la méthode mais le choix des arbres analysés. L’inspecteur avait une autre préoccupation.
- Je vous ai amené ici car nous avons remarqué que notre homme organisait des réunions chez lui avec certains ingénieurs du projet de Datacenter. Or plusieurs d’entre eux ont été vus ici, en particulier de nuit ou le week-end.
Le Trader aimait bien en venir rapidement au fait :
- Cela veut dire que vous surveillez cet endroit. Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous a amené à surveiller ce… « templier ». Ne me dites pas que vous cherchez leur trésor ?
- Il est naturel que votre profession vous mène vers cette priorité mais moi, je suis un policier. Les moines, les soldats, les trésors ne m’intéressent pas.
- Vous vous intéressez à leur façon d’obtenir des aveux peut-être ? Demanda Elsa avec une moue de dégoût.
- Non, des centaines de livres en parlent et c’était l’affaire des juges. En revanche personne ne s’intéresse au plus grand mystère : Comment ont-ils été arrêtés ?
- Allons bon tout le monde le sait, ils ont tous été arrêtés par surprise le même jour. Dit Thierry.
- Et comment a-t-on transmis l’ordre ? Il fallait beaucoup de temps et de messagers, tout cela est incompatible avec le secret et la surprise.
- Des messages ont été envoyés dans tout le royaume avec ordre de ne les ouvrir que le jour dit.
- C’eut été une bonne idée mais ce n’est pas ce qui a été fait.
Elsa confirma de la tête et ajouta :
- De plus le Roi n’avait pas de troupes à ses ordres prêtes à agir sur tout le territoire comme c’est le cas aujourd’hui. Cette autorité était exercée au travers des Baillis, Sénéchaux, Prévosts et ne s’étendait que sur le domaine Royal c’est-à-dire sur la moitié du royaume de France. Pour le reste, il devait s’appuyer sur les seigneurs locaux.
- Moitié qui n’était même pas contiguë ! Ajouta L’inspecteur. J’ai récupéré plusieurs des ordres donnés par le Roi, seul le nom de la ville change, voici celui de Rouen.
- Ainsi que vous pouvez le lire, l’ordre a été donné un mois plus tôt, les consignes demandaient de faire des reconnaissances, ce qui fait tomber la légende de l’ouverture simultanée au dernier moment. Quant aux forces de police, pour résumer, on demande au Baillis de rassembler rapidement une bande de copains qui trainent.
Après étude des documents le cerveau d’Ivan jugea qu’il avait assez de paramètres pour donner un premier résultat :
- J’évalue la probabilité d’un foirage total à hauteur de 82 pour cent avec une fourchette de 7.
- Je ne sais comment notre informaticien arrive à ce chiffre mais vous pouvez lui faire confiance, précisa l’inspecteur. De plus il confirme mon opinion de professionnel. Face à des commanderies souvent fortifiées et tenues par des gens rompus à la guerre, je n’aurais pu réussir, même avec les moyens de police d’aujourd’hui.
Elsa abonda.
- Historiquement je ne vois qu’une opération semblable qui ait réussi sans déclencher une guerre ouverte : La nuit des longs couteaux. Mais la France de Philippe n’est pas l’Allemagne de Hitler et ce dernier avait pris soins de rassembler la plupart des membres des S.A. au même endroit.
Le pragmatisme du trader revint à la charge.
- Votre discussion est démentie par les faits puisqu’il a réussi.
- Je ne vois qu’une solution, inspecteur. Dans ma profession cela s’appelle une « clé de voute ».
- Ce que veut dire notre architecte c’est que l’on ne peut lutter contre une grande force qu’avec sa complicité. Donc soit les templiers ont été trompés, soit ils ont été consentants. C’est dans cette direction que je souhaite orienter notre enquête.
La visite occupa toute la matinée, un déjeuner dans une brasserie permit à l’inspecteur de faire le point avec le groupe.
- Mademoiselle l’architecte, quel est votre sentiment ?
- Concernant les souterrains dont le guide a parlé, je veux bien croire à celui qui conduit à l’église, en revanche impossible d’en imaginer un entre ce château et la tour de Neaufles-Saint-Martin.
- A cause de la distance ?
- Oui, indirectement. Pour de si longs tunnels il n’existait que deux méthodes à l’époque : Soit on reliait des cavités existantes, comme celles que l’on trouve sur les falaises bordant la Seine, soit on creusait une tranchée que l’on recouvrait après. Donc ces tunnels suivaient le relief proche du sol ou longeaient les rivières. En aucun cas ils ne pouvaient franchir un cours d’eau comme la Lévrière.
- Ah. Et concernant l’existence d’une crypte sous le donjon ?
- Le donjon est construit sur une motte féodale, c’est-à-dire une levée de terre créée par l’homme pour y édifier une tour en bois. Bien que tassé par le temps le terrain reste mou, rappelez-vous que Lhomoy l’a creusé à main nue. Il est déjà très risqué d’y avoir bâti un donjon en pierre alors, si en plus la motte était creuse, ce château ne serait plus là depuis longtemps.
- Voila de bien mauvaises nouvelles. Et qu’a trouvé notre historienne ?
- Le guide a cité deux Reines Blanche ayant habité l’autre château. L’histoire est vraie pour Blanche de Navarre en revanche l’anecdote de Blanche de Castille utilisant les souterrains entre les deux châteaux pour vaincre ses ennemis tient plus de la légende.
- Et la tour du prisonnier ? Que nous apportent les graffitis qui y ont été gravés ?
(Une partie des graffitis de la « Tour du prisonnier », château de Gisors)
- Plus d’interrogations que de réponses. Les points qui sortent de l’ordinaire sont la présence répétée de St Nicolas, quatre tours de château, deux anges tenant un cœur, un chariot et la fameuse signature.
- « Poulain » ?
- Oui, je pense que celle-ci n’aurait pas été modifiée si elle n’avait pas contenu une information importante.
- Comment ça modifiée ?
Elle lui montra un ouvrage intitulé « Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France - ancienne Normandie volume II».
- J’ai acheté ce livre à la boutique du château. Il a été écrit en 1828. L’auteur y détaille toute les gravures et signale la signature : « Pontani ».
Pontani était un pont de Rome célèbre pour ses mendiants.
- Pourquoi nous indiquerait-on un pont ?
L’informaticien répondit :
- Vous ne cherchiez pas à traverser une rivière tout à l’heure ? Regardez sur la carte, ce qu’ils appellent « le pont noir » est sur la ligne théorique du souterrain. Il y avait peut-être un tunnel de chaque côté ?
- Cela ne tient pas au niveau tactique. Lors d’un siège un tel pont serait en permanence traversé par les ravitaillements ennemis, impossible de l’utiliser pour sauter à découvert d’un souterrain à l’autre.
- Et si on utilisait un moulin au lieu d’un pont ?
- Là, ce serait parfait. Un moulin à eau est un pont en soi et on peut cacher les entrées de souterrains dans ses bâtiments.
- Que pensez-vous de celui-ci ?
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
Le soir, après une bonne douche et un repas copieux le groupe se réunit dans la bibliothèque. L’inspecteur y reçu un appel téléphonique. Après avoir raccroché le combiné, il eut l’air déçu.
- Un problème inspecteur ?
- Non Anne-Sophie, plutôt un manque de solution. Mes hommes ont profité de la nuit pour s’introduire dans le moulin et visiter le souterrain. Ils ont parcouru près d’un kilomètre vers l’est mais ont été arrêté par un éboulement infranchissable.
- Et l’autre souterrain partant du moulin ?
- Il est censé accéder au château de Neaufles, qui n’a pas de rapport avec notre enquête. Je ne l’ai pas fait explorer.
- Comment cela ? S’insurgea Elsa. Vous trouvez l’entrée d’un tunnel d’une valeur historique inestimable et vous ne le visitez pas !?
- Je suis policier, pas archéologue.
- Inspecteur, Intervint posément Thierry. Ces deux souterrains et ces deux châteaux forment un tout. Si un nous cache des réponses l’autre pourra nous donner des indices.
- D’accord avec Thierry. Dit simplement Ivan.
L’inspecteur semblait gêné mais convaincu.
- C’est que je n’ai plus de personnel disponible avant lundi.
- Laissez nous nous en charger, demanda Anne Sophie en ajoutant malicieusement : De toute façon, vous n’aviez pas de mandat pour entrer dans le moulin, sinon vous l’auriez fait de jour.
L’inspecteur utilisa une pirouette pour ne pas répondre à l’allusion.
- En France on parle de commission rogatoire…
D’accord, j’accepte que vous y alliez, mais faites-vous accompagner.
La visite du souterrain fut engagée dès le lendemain par un temps frais et dégagé. La jolie architecte avait facilement convaincu l’informaticien et le trader de l’accompagner.
Ainsi qu’elle l’avait imaginé, le tunnel était constitué par différentes cavernes de la falaise bordant la rivière. Elles étaient reliées par de courtes galeries comprenant parfois des escaliers.
Ils avaient parcouru un long trajet quand, alors qu’ils descendaient des marches, Thierry stoppa brusquement.
- Que se passe-t-il ?
- Mauvaise nouvelle, l’escalier est inondé, une nappe souterraine a dû se déplacer, je crois que notre périple se termine ici.
- Attendez ! Dit Anne-Sophie. Pouvez-vous éteindre vos lampes, il y a quelque chose d’étrange.
En effet dès que l’obscurité revint la nappe d’eau dégagea une certaine luminosité, Thierry ralluma sa torche.
- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Que cette nappe d’eau débouche sur l’extérieur.
- Ah ? Donc il est possible de la traverser ?
Une gerbe d’eau leur signala que l’informaticien avait décidé de tenter l’aventure.
- Ivan ! Cria Anne-Sophie. Mais il est fou !
- Complétement. Peux-tu aller nous chercher des vêtements de rechange, il vaut mieux que je l’accompagne.
Anne-Sophie était devenue livide, elle agrippa son bras.
- Tu ne vas pas me laisser seule ici ?
Thierry compris qu’il n’y avait pas à discuter, ils se mirent en position pour surveiller la sortie de l’escalier submergé. Au bout de quinze minutes qui leur parurent interminables, Thierry décida de descendre à son tour mais au moment où son pied pénétrait dans l’eau glacée, un grondement immonde, presque animal résonna dans toute la caverne. Anne-Sophie se serra contre Thierry.
- Mon Dieu, Ivan !
- Ça a l’air de venir du château, sauve-toi, je vais plonger.
A ce moment Anne-Sophie poussa un cri. Quelque chose approchait de la surface.
- Calme-toi, c’est Ivan.
- Ivan ? Dieu soit loué. Dit-elle avant de plonger pour l’aider à remonter.
Thierry jugea que le plus urgent était de réchauffer les deux baigneurs, il donna sa veste à Anne-Sophie, les dirigea rapidement vers le moulin où il trouva un endroit pour faire un feu et demanda à l’inspecteur de leur apporter des vêtements secs. Celui-ci arriva très promptement. Les deux jeunes avaient retiré leurs vêtements pour se blottir dans leurs Anoraks. Anne-Sophie était frigorifiée et Ivan semblait très content de la situation. Thierry avait déjà expliqué ce qu’il savait au téléphone, Ivan put alors compléter.
- Quand j’ai refait surface de l’autre côté je me suis retrouvé dans une grande grotte inondée d’un cône de lumière. A cinq ou six mètres de hauteur, au centre de ce cône, un éclat brillait dans le vide.
- Comment cela ? Avez-vous pu voir ce que c’était ?
- Oui, un seau en métal au bout d’une corde.
Thierry éclata de rire.
- Je comprends, tu devais être au bord du château côté village. J’y ai vu une ancienne chapelle transformée en maison avec un puits. Mais cela n’explique pas l’énorme grondement.
- Quel grondement ?
- Tu n’as rien entendu ?
- Non, lorsque j’ai émergé, j’ai trouvé très vite une grille barrant une galerie. J’ai essayé de la bouger mais elle a résisté. J’avais froid, jugeant que nous ne pourrions aller plus loin j’ai replongé immédiatement.
- Le bruit a dû avoir lieu lorsque tu étais sous l’eau, c’était horrible ajouta Anne-Sophie en se serrant contre lui. J’aimerai que l’on quitte cet endroit au plus vite, qui sait quelle chose a pu émettre ça ?
L’inspecteur réfléchissait.
- Ne vous inquiétez pas, « la chose » ne sortira pas de terre. Une aventure équivalente s’est produite au XIXéme siècle lorsque le souterrain était encore accessible depuis la tour. Un ouvrier envoyé dans les galeries pour évaluer des travaux de soutènement aperçu des pièces d’or derrière une grille rouillée. Alors qu’il essayait de la forcer un grondement infernal lui fit prendre la fuite, il refusa définitivement d’y retourner.
- Vous auriez pu nous prévenir.
- Je n’avais pas cru à cette histoire, et puis c’est vous qui avez insisté pour visiter cette partie du tunnel.
Une fois encore les chercheurs se trouvèrent bloqués. Ils retournèrent au centre de séminaire et compulsèrent à nouveau tous les documents. L’architecte s’était concentrée sur les cartes de la région. A un moment elle s’habilla pour sortir et quitta le manoir sans que les autres aient eu l’occasion de l’interroger sur sa destination. Elle revint deux heures plus tard avec une question à l’intention de l’inspecteur.
- Vous nous avez dit que des templiers avaient fui en Suisse, confirmez-vous la légende selon laquelle le drapeau suisse aurait été choisi car représentant l’inverse de la tenue des templiers ?
- Je vous confirme qu’il s’agit d’une légende.
- Dommage.
- Pourquoi ?
- Parce que les deux châteaux concernés par le souterrain sont encadrés par deux croix. L’une à l’Ouest de Neauphle est nommée « la croix rouge », l’autre à l’Est de Gisors est nommée « la croix blanche ».
- Intéressant, avez-vous des photos ?
- Oui, je suis allé sur place. Rien à dire pour la rouge mais la blanche est surveillée par une caméra. J’ai pu m’approcher hors de son champ, la croix porte des symboles presque effacés, en voici le dessin.
- Désolé de vous décevoir, dit l’inspecteur. Ceci est un symbole Chrétien très connu que l’on appelle « chrisme ». Il représente les deux premières lettres du Christ en grec associé à l’alpha et l’oméga cités dans la bible.
- Permettez dit l’historienne ; En grec Christ commence par Ro et Chi, je ne vois pas le Chi.
- C’est cela qui m’a paru étrange inspecteur, dit Anne-Sophie. Il y a une erreur dans le symbole : le X du Chi a été remplacé par une croix latine.
- « Chi » avez-vous dit ? Demanda l’informaticien. C’est un terme que l’on trouve dans le livre de notre Templier. En fait on le retrouve également dans les rapports du GIEC, c’est un outil statistique qui permet de vérifier qu’un modèle mathématique associé à des échantillons de données est pertinent. On appelle cela le « test du Chi carré ».
- Drôle de coïncidence.
- Peut-être pas. Notez que si la croix latine avait été absente on aurait tout de suite remarqué l’absence du X. Or, regardez l’autre croix, et les arbres qui l’encadrent bizarrement. Si ici aussi on enlève la croix latine du calvaire il ne reste que les arbres qui forment aussi une lettre grecque utilisée en mathématiques.
- Ah oui en effet, le « Pi ». Le rapport du cercle à son diamètre, qu’en concluez-vous ?
Le trader s’empara de la parole
- Rien si vous vous tromper de Pi. Cette lettre est aussi très utilisée en économie. Dans nos formules elle représente le profit.
- C’est vrai ? dit l’informaticien. Mais alors cela devient cohérent. Il semblerait que les Templiers soient les premiers à avoir eu l’idée d’appliquer des calculs statistiques à l’économie, ce serait une révélation.
Le trader ironisa.
- S’il est un Graal que nous avons toujours cherché c’est bien le modèle permettant de simuler les évolutions de la bourse. S’ils l’ont découvert, vous pouvez considérer qu’ils avaient bien un trésor, le trésor le plus grand de tous les temps !
- Je ne crois pas. Vu la complexité et le nombre de paramètres en jeu, si un tel modèle existait il demanderait une puissance de calcul inexistante à leur époque, même le supercalculateur que vous avez vus dans le Datacenter d’EDF en serait incapable. Je ne parle même pas de concevoir le programme.
- Tu veux dire que ce serait aussi compliqué que d’essayer de modéliser le climat de la terre ?
Tous les regards se tournèrent vers l’historienne qui se demanda ce qu’elle avait bien pu dire de si choquant.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
L’inspecteur eu l’impression d’avoir décroché à un moment de la conversation.
- Attendez, pouvez-vous m’expliquer ce que vous appelez un modèle ?
- C’est un outil permettant de faire des simulations. Répondit Ivan. Ce peut-être une formule mathématique, un abaque ou quelque-chose d’équivalent mais le plus souvent c’est un programme informatique. Ceux dont on parle servent à prédire l’avenir. Pour cela on les teste sur un passé récent avec les paramètres d’un passé antérieur puis on fait des prévisions en leur appliquant les paramètres d’aujourd’hui. Cela représente trois défis : Posséder suffisamment d’échantillons du passé, être capable de programmer le modèle et posséder un ordinateur assez puissant pour le faire tourner. Les deux derniers demandent des investissements à la hauteur de la complexité du phénomène à simuler.
- Cela représenterait quelle somme par exemple pour le climat ?
- Il ne s’agit pas simplement d’argent mais d’investissement en recherche. Il faut mobiliser beaucoup de moyens humains, donner des priorités, du temps. Seul un état peut obtenir cela. Dans le cas du climat il en faut même plusieurs d’où la mobilisation actuelle.
- Et si on voulait modéliser les cours boursiers planétaires ?
- Cela poserait des problèmes similaires, dit Thierry. La bourse, comme le climat, obéi à des règles précises mais celles-ci interagissent tant entre elles que le résultat apparaît aléatoire.
Le petit rire de l’architecte se fit entendre :
- Les papillons boursicotent donc aussi ?
- Oui, Anne-Sophie, je vais essayer de te donner un exemple simple. Cette année après de nombreux accidents, la Roumanie a interdit la circulation hippomobile sur ses routes. Les éleveurs roumains inondent maintenant les marchés avec de la viande de cheval à bas prix.
- Une loi interne provoque donc une chute mondiale du cours du cheval, c’est un effet domino. Que fait le papillon la dedans ?
- J’y viens. Connaissant le métier il est très probable que de petits malins remplacent déjà le bœuf par du cheval dans les plats préparés.
- Ce qui fera baisser le cours du bœuf ?
- Oui tant que nos papillons battrons des ailes sans se faire prendre mais il suffit d’un seul de trop.
- Pour ?
- Pour que les états réagissent de façon parfaitement prévisible : hausse de la réglementation, fermetures de circuits d’approvisionnement, mise en place de système de traçabilité. Le tout augmentant le coût des intermédiaires et de là le prix de la viande de bœuf.
- En résumé, tu nous explique qu’une simple réglementation locale sur la circulation du cheval peut avoir d’énormes conséquences sur le coût du bœuf, sans que l’on puisse deviner dans quel sens ?
- Exact.
Elsa fronça les sourcils
- Le monde que tu décris me dégoute.
- Pourquoi donc ? Dans les deux cas il y aura moins de chevaux écrasés par des camions et moins de bœufs dévorés par l’homme.
Anne-Sophie souri, il était temps d’éviter une nouvelle tempête en réorientant la conversation.
- Ivan, tu nous as dit que des recherches sont faites sur la modélisation climatique, pourquoi n’en existe-t-il pas pour celle de l’économie ?
- Parce qu’il s’agit en partie de recherche fondamentale, que celle-ci est basé sur l’échange et ne s’accommode pas du secret. A quoi servirait une martingale que tout le monde connaitrait ?
Thierry acquiesça du regard.
- Imaginons même qu’une société puissante puisse financer et réussir un tel projet en secret. Si elle l’utilisait tout le monde verrait que ses prises de positions sont souvent gagnantes. Les autres acteurs se mettraient rapidement à la suivre et c’est elle-même qui deviendrait le modèle. Personne n’y gagnerait. Seule une organisation secrète et unie dont les membres repartissent leur influence dans de multiples sociétés pourrait en tirer les bénéfices sans se faire remarquer.
- C’est peut-être le cas de nos Templiers, compléta Ivan. Le problème est que, quelque-soit la valeur de leur héritage, il ne saurait être suffisant pour financer les études de l’ordinateur nécessaire. On tourne en rond.
- Je ne crois pas. Répondit l’inspecteur alors qu’il semblait appliqué à ranimer le feu.
Son œuvre terminée il se versa un calvados et s’assit face à son auditoire.
- Thierry, quelle est la principale différence entre un modèle climatique et un modèle économique ?
- Dans le second un paramètre complexe prend une très grande part : L’homme.
- Et si l’on développait un modèle cherchant à déterminer si l’homme a une influence sur le climat ?
Le trader éclata de rire.
- Je vois où vous voulez en venir inspecteur. Vous pensez que les Templiers ont trouvé le modèle de simulation de l’économie. Le Chi qui permet d’obtenir le meilleur Pi !
- Oui mais ils n’avaient pas le calculateur permettant de le faire tourner ils ont donc influencé des états pour qu’ils financent des recherches dans ces technologies.
- Recherches qui devaient être orientées sur d’autres objectifs, assez importants pour que les populations acceptent la dépense. Notre homme serait donc un de ces marionnettistes.
- Oui, c’est pour cela qu’on le retrouve dans la lutte contre les essais nucléaires Français. Il a ainsi obligé notre pays à s’engager dans la simulation des tirs ce qui nous a permis de faire un bond dans le domaine des supercalculateurs. Mais du fait de la fin de la guerre froide l’économie s’est complexifiée, il fallait aller plus loin et engager d’autres états. Leurs « amis » écologistes leur ont inspiré une idée. C’est à ce moment qu’ils ont appuyé la crainte d’un réchauffement climatique incitant les gouvernants à investir dans les modèles qui pourraient prouver son origine humaine.
- Quitte à inventer ou exagérer des phénomènes spectaculaires ! Comprit Elsa. Mais alors, pourquoi ce renversement d’alliance ?
Tous furent alors éblouis par une forte lumière, Ivan venait d’allumer le projecteur vidéo :
- La réponse est ici : il s’agit du projet Pangea, l’un des plus puissants supercalculateurs dans le monde. Il devrait être livré en 2013 à la société TOTAL dans le but de simuler la présence de pétrole et de gaz de schiste. Le retour sur investissements est plus prometteur que l’étude du climat.
- Sauf si celle-ci conduit à limiter fortement la consommation d’énergie fossile ! Intervint Elsa.
- Eh oui, nos Templiers ont décidé d’appuyer les pétroliers pour profiter de leurs recherches en modélisation mais pour la pérenniser ils doivent tuer celles des climatologues. En tout cas notre hypothèse explique pourquoi ils s’intéressent au Datacenter d’EDF et à ses informaticiens.
- Et que trafiquent-ils autour de Gisors ?
- Je n’en sais rien mais je voudrais vous montrer quelque chose de troublant :
Voici une photo d’un son et lumière sur Gisors
Et voici le plus célèbre des supercalculateurs de l’histoire : le Cray 1.
A quoi ça sert de tuer l'ours, si on n'a pas d'abord vendu la peau ?
) ce qui porte le total à 33 
Le fait que cela se passe dans notre département n'est pas pour nous déplaire….. 
